Trop âgé pour être vrai !
Dans la Bible et particulièrement dans le livre de la Genèse, on trouve des personnages qui ont une longévité exceptionnelle. Le chapitre 5 de la Genèse relate la généalogie de Adam jusqu’à Noé. Adam vécut neuf cent trente ans, un de ses fils, Seth, vécut, neuf cent douze ans. Le personnage qui a vécu le plus longtemps c’est Mathusalem qui vécut neuf cent soixante neuf ans. Noé vécut neuf cent cinquante ans. A partir de Noé et donc du Déluge, les choses vont changer. Dieu s’aperçoit que l’homme n’est fait que de chair et est donc corruptible et il décide que son souffle de vie ne restera que cent vingt ans dans l’homme et la femme. Pourquoi alors ce récit monotone de la naissance et de la mort des patriarches ? Pourquoi ces existences hors normes dont on ne perçoit pas la raison d’être ? De nombreuses pages ont été écrites pour tenter de les justifier et ne pas laisser croire que la Bible peut receler en son sein des récits mythologiques. Aucune explication n’est cependant satisfaisante et l’on prête aux auteurs de cette généalogie des intentions pseudo-scientifique qui ne devaient pas du tout être leur préoccupation. Cette généalogie sert de rupture entre le temps de la création et le temps du Déluge. Noé le dernier ancêtre mythologique entre dans l’arche pour en ressortir cent cinquante jours plus tard et inaugurer une nouvelle ère sur terre. L’ancienne création a été totalement anéantie et Dieu conclut une alliance avec Noé et promet qu’il ne détruira plus la terre et qu’il s’accommodera dorénavant des errements et de la méchanceté des humains. Dans les récits de création bibliques il y a donc deux ruptures : la première est lorsqu’Adam et Eve sont chassés du jardin d’Eden et la seconde est lorsque Dieu décide d’anéantir l’humanité à cause du mal en l’engloutissant sous l’eau. En cela les récits bibliques se rapprochent beaucoup des autres récits mythologiques babyloniens, égyptiens ou chinois qui détaillent plusieurs époques à l’humanité, la première étant toujours la meilleure. Les livres des Hindous enseignent que dans les premiers âges du monde, l’homme était exempt de maladie. Dans son poème Les travaux et les jours, le poète grec Hésiode (VIIIème siècle av J.C.) décrit cette première période qu’il nomme l’âge d’or : « Sous le règne de Saturne qui commandait dans le ciel, les mortels vivaient comme les dieux, ils étaient libres d’inquiétude, de travaux et de souffrance ». La mythologie biblique a un côté beaucoup moins fantastique que celles des autres civilisations et l’extraordinaire est nommé sans emphase dans une morne liste d’ancêtres : « (…) La totalité des jours d’Enosh fut de neuf cent cinq ans ; puis il mourut » (Gen 5, 8). Abraham et Sarah auront un enfant alors qu’ils étaient « avancés en âge », à l’entrée du Nouveau Testament Zacharie et Elisabeth porteront eux aussi un enfant, Jean-Baptiste, dans leur vieillesse et puis Marie enfantera Jésus alors qu’elle est trop jeune. Il est bon de lire ces récits sans imaginer que ce sont des rapports factuels mais à travers ces personnages s’écrit une autre histoire de l’humanité qui échappe à la raison et qui passent le monde au miroir grossissant de ses passions à la fois dramatiques et pleines d’espoir.
Brice Deymié, pasteur de l’Action Chrétienne en Orient à Beyrouth