« Histoire d’une petite flamme » : l’Eglise Protestante Française de Beyrouth (1er épisode)

Cette série d’articles historiques se donnent la mission d’évoquer le parcours de l’Eglise protestante française de Beyrouth. Nous découvrirons les circonstances de sa création et cheminerons avec les personnages qui ont concouru à l’entretien de la « petite flamme » de la présence protestante française au Liban.

Ma seule légitimité à vous en faire la relation est de m’être plongé dans les archives des associations qui ont été créées à cet effet et de m’inspirer largement du livre « Le protestantisme français et le Levant » édité aux Editions Oberlin (Strasbourg), dont je suis co-auteur avec Jean Paul Eyrard. Puisse ce travail vous inspirer le désir de reprendre le flambeau et porter à votre tour les valeurs universelles du protestantisme français au Levant. Georges Krebs.

Les protestants au Liban : une vieille histoire…

Au commencement était le premier culte protestant de langue française jamais organisé au Moyen Orient. C’était un 23 novembre 1856 devant 23 fidèles et une certaine concorde en Europe a permis que ce culte soit présidé par un pasteur allemand parfaitement bilingue.

La guerre de 1914/18 balaye cette “entente cordiale” et ce sont d’autres rapports qui s’établissent à la sortie de la guerre.

A l’origine : le traité de Versailles (1919)
Le Traité de Versailles signé en 1919, principalement dans son article 438, définit dans quelles conditions les biens appartenant à des missions religieuses chrétiennes allemandes sontdévolues à des missions religieuses des états alliés ayant les mêmes croyances.
Le protestantisme en France essentiellement tourné vers les terres d’Afrique n’était pas particulièrement préparé à assumer cette nouvelle responsabilité.
Cependant après bien des tergiversations et tâtonnements, des hommes comme le pasteur Jean Bianquis à la FPF (Fédération protestante de France) et son fils Philippe, professeur à l’université américaine à Beyrouth, ont su relever le défi et avec opiniâtreté faire avancer le dossier.

Le pasteur Jean BIANQUIS (1853-1935) Président de la Mission évangélique de Paris
Le pasteur Jean BIANQUIS (1853-1935)
Président de la Mission évangélique de Paris

En 1925, avec la bénédiction des autorités françaises furent constituées deux associations de droit français : l’une à vocation culturelle, l’autre cultuelle.
La dénomination de ces associations évoluera avec le contexte historique mais toutes deux continuent d’œuvrer aujourd’hui sous l’intitulé respectif de :
-Présence Protestante Française au Liban (PPFL) pour la culturelle
– Association Protestante Française de Beyrouth (APFB) pour la cultuelle.
Par la suite nous mentionnerons ces 2 entités sous le sigle de PPFL et APFB.

1925 : naissance d’une communauté
A ces deux associations il faut ajouter la création à Beyrouth, cette même année 1925, de «l’Eglise Protestante Française du Liban » dénommée en fait « Eglise protestante française de Beyrouth », en charge de la vie de locale de l’Eglise, sous la responsabilité du Conseil presbytéral.

Entre patriotisme et protestantisme français…

Enfin, il nous faut mentionner une autre association toujours active de nos jours, l’Action Chrétienne en Orient (ACO), crée dès 1922 par le pasteur Berron, alsacien, et dont l’origine fait suite aux persécutions des arméniens sous l’Empire ottoman.

L’aventure ne fait que commencer… car il faut maintenant mobiliser les énergies pour assumer « ce lourd héritage d’obligations et de responsabilités nouvelles » comme pourra le proclamer en conférence publique Jean Bianquis, en concluant qu’avec l’arrivée des deux associations « toutes les familles spirituelles de la France soient représentées dans ce Liban où s’exercent tant d’influences religieuses diverses et opposées » Et de préciser sa pensée que les 5000 à 6000 protestants libanais n’ont trouvé devant eux jusqu’ici que les pères catholiques, l’Alliance juive et la Mission laïque. Il est donc temps de montrer « que la protestantisme français existe et qu’il constitue une force morale de notre pays ». Il faut noter que dans ce grand élan de générosité, au sortir de la « grande Guerre », les motivations patriotiques ne sont pas absentes quand pour mobiliser les énergies (et la générosité …) la FPF lance une campagne de « propagande » et dans un communiqué conclut « Un grand devoir patriotique s’impose à nous en même temps qu’un grand devoir chrétien »

Et M. Ponsot (haut-commissaire du Levant en 1929) marquera sa gratitude en affirmant «la collaboration très précieuse que le protestantisme français lui apporte dans son œuvre de pacification.»
Il faudra encore attendre le printemps 1926 pour qu’une mission conduite par le sénateur Eccard séjourne au Liban accompagné de Jean Bianquis (ancien directeur de Société des missions évangéliques de Paris – aujourd’hui le Défap) et de Mlle Puech, infirmière.
En plus de la visite de l’Eglise protestante, celle-ci aura un double objectif…

L’Hôpital Saint-Jean

Les trois piliers : une Eglise, un dispensaire, une école
Le premier est de conserver et plus précisément de récupérer les biens dévolus dans le cadre du traité de Versailles composés de l’Hôpital Saint-Jean et la Maison des diaconesses occupés principalement par l’Armée française et accessoirement par l’embryon du Musée national du Liban !

Le deuxième était de créer une œuvre à caractère protestant.
La récupération du terrain donna lieu à une négociation serrée avec les autorités militaires de la part du sénateur Eccard appuyé en cela par le Quai d’Orsay soucieux du respect de l’at 438 du Traité de Versailles…

L'orphelinat
Le premier bâtiment des diaconesses allemandes

Quant aux œuvres, après avoir pris l’avis des protestants tant français que libanais, il a été décidé de poursuivre celle éducative accomplie précédemment par les diaconesses allemandes, et donc de créer une école de jeunes filles. L’œuvre hospitalière pour sa part sera abandonnée à l’armée française par la cession en 1929 des terrains et des bâtiments de l’Hôpital pour se concentrer sur l’ouverture dès 1927 d’un dispensaire ophtalmologique.
La mise en œuvre de ces dispositions et l’arrivée concomitante d’un pasteur français aumônier de l’Armée du Levant allait permettre à la petite flamme du protestantisme français de s’affirmer dans le paysage encombré des communautés religieuses…
Nous verrons donc prochainement après le temps de la réflexion comment sous le regard bienveillant pour ne pas dire intéressé de l’administration et autorités militaires françaises est venu le temps de l’action jusqu’aux confins du Djebel druze…

Georges Krebs, administrateur de PPFL (suite au prochain épisode)

Leave a Reply