Collège et Eglise : deux institutions protestantes distinctes et proches
Message de M. Anis Nassif, président de Présence Protestante Française au Liban (PPFL), à l’occasion de la fête de la paroisse de l’Eglise protestante Française de Beyrouth (CPF -le 19 avril 2015)
“Je suis très heureux de pouvoir être parmi vous et vous dire un petit mot. Je voudrais évoquer avec vous, deux ou trois thèmes qui me sont chers :
L’histoire du Collège et de votre Eglise a toujours été liée. Pour rappeler un peu l’histoire, tout part de l’article 438 du « Traité de Versailles » (1920) qui a confié les œuvres protestantes allemandes à un même conseil d’administration composé de protestants français. Deux associations ont été créées en novembre 1925 : les actuelles APFB et PPFL.
Comme l’a très bien résumé le Sénateur Eccard dans un discours de mai 1926 : “Les protestants français démontreront au peuple libanais que la vieille flamme huguenote n’est pas éteinte et qu’elle a conservé assez de forces pour vivifier de son esprit latin les œuvres créées par la laborieuse Allemagne”. Ces œuvres comptaient à l’époque la Paroisse et la Maison des Diaconesses, institution de jeunes filles et orphelinat.
Deux termes essentiels : confier et perpétuer les valeurs des fondateurs de l’association mais aussi des fondateurs allemands. Ce dernier point est repris explicitement par le traité de Versailles.
La suite de cette histoire a été une série de périodes de rapprochements ou de tensions entre l’Eglise et le Collège.
Entre un Liban où chaque école est une émanation d’une Eglise, voire une activité diaconale d’une Eglise, et une France dans laquelle les protestants ont été des artisans de la loi de séparation de l’Eglise et l’Etat de 1905, le CPF a adopté une position singulière : pas d’intervention directe de l’Eglise dans le fonctionnement de l’établissement mais un culte le matin présidé par la Directrice. Des cours de Bible sont également dispensés et une école du Dimanche accueille les internes. Tout cela disparaît petit à petit à partir de 1976.
Mais le cachet protestant de l’établissement réside dans ses valeurs et son action au quotidien. Aujourd’hui, ma conviction est claire : nous n’avons pas besoin de nier ce que nous sommes pour accepter l’autre, bien au contraire.
Le Collège porte le protestantisme français dans son appellation, transmet des valeurs essentielles : l’éthique, l’ouverture d’esprit, le sens critique et la tolérance. Le concept de l’établissement a toujours été de regrouper des élèves et des enseignants d’horizons, de cultures et de religions différents pour les faire travailler ensemble. Ainsi, tout en gardant leurs différences, ils gardent leur liberté de penser et s’acceptent les uns les autres.
Vous pouvez me dire que ce que je viens de vous décrire est exactement la laïcité à la française. Je nuancerai simplement sur un point : l’acceptation de l’autre avec sa différence suppose que l’autre puisse faire état de sa différence, notamment religieuse, tout en respectant les autres. Ce n’est pas la laïcité telle qu’elle est exprimée aujourd’hui. La tolérance et l’ouverture d’esprit ne se décrètent pas par une loi, elles se vivent dans nos croyances et nos vies.
Ces valeurs universelles sont inspirées notamment du protestantisme mais ont fait appel à ces notions pour gommer tout aspect spirituel de la démarche.
Je suis confronté au même questionnement dans une Fondation dont je suis également le Président à Nice, la Fondation de l’Asile Évangélique de Nice. Cette Fondation créée en 1865 possède une maison de retraite et une maison d’accueil spécialisée pour polyhandicapés adultes. Aujourd’hui, tout est fait pour mettre le résident de nos maisons au centre de nos préoccupations mais la réflexion sur les valeurs que nous portons et pour lesquelles nous nous engageons est primordiale. Vous l’aurez compris, mon interrogation de fond est la suivante : devons-nous, en tant que protestant français d’aujourd’hui, tout aseptiser pour essayer éternellement de plaire à tout le monde au risque de finir par ne plaire à personne ?
Je ne prétends pas avoir la réponse mais je me pose la question tous les jours et dans tous mes engagements.
Pour finir, je dirai tout simplement que le Collège et l’Eglise ont très certainement une nouvelle page d’histoire à écrire ensemble après ces 90 premières années de vie.”