Le Comité National Islamo-Chrétien pour le Dialogue
Cet article a été composé à partir d’un entretien avec l’Emir Harès Chehab, Secrétaire Général du CNICD ; il est publié avec son aimable autorisation.
Naissance et composition du CNICD
Le « Comité National Islamo – Chrétien pour le Dialogue » a été formé en 1993 par une décision de tous les chefs des communautés religieuses Musulmanes et Chrétiennes du Liban lors de leur réunion au siège du Patriarcat Maronite à Bkerké.
Ils ont procédé en même temps à la nomination de leurs représentants personnels au sein du Comité dont deux Secrétaires Généraux, toujours en fonction,
- un chrétien, Mr. Harés Chéhab, représentant le Patriarche Maronite,
- et un musulman, Mr. Mohammed Sammak, représentant le Grand Mufti, Sunnite,
un autre membre,
- Mr. Jean Salmanian, professeur au collège Haigazian, représentant du Catholicos Arménien Orthodoxe est en poste lui aussi depuis la formation du Comité.
Les autres membres, sont actuellement :
- Dr Michel Abs, professeur à l’Université Saint Joseph, représentant le PatriarcatGrec-Orthodoxe, en remplacement de Mr. Gabriel Habib.
- Dr. Ali Al Hassan représentant du Conseil Supérieur Chiite en remplacement de Dr. Saoud Al Maoula.
- Mr. Abbas Al Halabi, banquier, représentant du Cheikh Akl Druze, en remplacement de Mr. Soleiman Takieddine.
- Mr Camille Ménassa, publiciste et homme d’affaires, représentant le Patriarcat Grec – Catholique, en remplacement de Mgr. Salim Ghazal.
Les sept membres du Comité sont tous des volontaires, indépendants du Gouvernement, mais reconnus par lui et relevant uniquement de l’autorité des chefs de leur communautés respectives.
Afin de parvenir à un équilibre de représentation, un membre Alaouite est proposé, ce qui porterait le nombre de sièges à huit, quatre attribués aux chrétiens et quatre aux musulmans (Les Druzes étant généralement situés dans le giron de l’Islam).
Un équilibre millimétré
Il reste que toutes les composantes de la chrétienté libanaise ne sont pas représentées au sein du CNICD. Huit Eglises dites minoritaires, dont les protestants (avec l’Eglise latine (catholique romaine), les arméniens catholiques, Chaldéens, Syriaques Catholiques, Syriaques Orthodoxes, Assyriens, Coptes) n’ont pas de porte-parole au sein du CNICD.
La question d’intégrer un représentant du protestantisme, minoritaire au Liban, a été posée. Mais la recherche d’équilibre, essentielle au bon fonctionnement d’un comité de dialogue tel que le CNICD, a primé sur les questions de représentativité.
Il faut ajouter que la grande diversité chrétienne propre au Liban s’estompe dans la cadre spécifique du dialogue Islamo-Chrétien. Les différences théologiques et ecclésiales, qui nuisent par ailleurs à l’unité visible du christianisme, n’ont plus grande pertinence dans le cadre spécifique du dialogue Islamo-Chrétien. Une parole commune à tous les chrétiens, présents ou représentés, ne représente pas la plus haute difficulté à surmonter. Il revient au Secrétaire Général d’être attentif à la parole de chacun.
Un dialogue fragile et indispensable
Il serait bien difficile d’exposer un fait notoire des travaux du CNICD depuis sa fondation, en dehors du document de travail publié en 1995. Nous avons obligation de moyens mais pas de résultat !
Au-delà de sa fragmentation, le caractère minoritaire du christianisme au Liban n’est pas sans poser de grandes questions. Les chrétiens rappellent que leur légitimité sur le territoire est très ancienne, pour ne pas dire première, et que les déséquilibres démographiques actuels ne peuvent justifier une quelconque préséance communautaire. Pour le dire autrement, les chrétiens ne souhaitent pas être placés sous un protectorat musulman mais entendent bien exercer leur pleine citoyenneté, ainsi que l’Etat de droit libanais le constitue et le garantit (Préambule de la Constitution : est illégitime tout pouvoir qui va à l’encontre du pacte de vie commune).
Tout groupe de dialogue doit prendre la mesure de ses lieux de convergences et des points qui font débat. Le rapport au pouvoir politique représente sans doute le lieu des plus grandes divergences.
Le rapport des musulmans et des chrétiens au pouvoir séculier obéit traditionnellement à des convictions de natures différentes. L’Islam, même si son insertion au monde occidental complexifie considérablement ses postures traditionnelles, ne situe pas l’exercice du pouvoir politique en dehors de ses prérogatives, au contraire de l’Eglise qui ne le revendique généralement pas.
« L’Islam est devant un double défi, celui de la modernité et celui du renouveau de la pensée islamique. Le regard et la contribution des Chrétiens d’Orient est capitale dans ce sens. Nous sommes aussi certains que quelques-uns des grands problèmes auxquels le monde fait face, intéressent tous les Hommes. Le Christianisme et l’Islam, en joignant leurs efforts dans les surfaces qui leur sont communes, pourront contribuer à la découverte de perspectives porteuses et salutaires. » (Extrait de la conférence de l’Emir Harès Chehab donnée à Saydet El-Jabal le 7 juin 1999)
La parole commune, seul remède à l’extrémisme
Face à ces questions très sensibles, la qualité de la parole apparaît indispensable. Celle-ci est habitée d’un pouvoir intrinsèque réel dont le dialogue se nourrit et quelquefois souffre. En des temps où l’excès et l’outrance apparaissent comme les seules valeurs prisées par les médias, la parole de modération a bien du mal à se faire entendre ; c’est pourtant dans cette expression-là que se trouve le chemin de notre dialogue.
« La cœxistence Islamo-Chrétienne est la raison de vivre de notre pays. Elle est notre richesse. Le Liban est porteur d’un message de convivialité et nous ferons en sorte qu’il arrive à destination porteur d’une vision pour un monde meilleur. » (Cf. Conférence op.cit.).