Transfigurés (Marc 9.2-12)

Marc 9.2-12

2Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les conduisit sur une haute montagne où ils se trouvèrent seuls. Il changea d’aspect devant leurs yeux ; 3ses vêtements devinrent d’un blanc si brillant que personne sur toute la terre ne pourrait les blanchir à ce point. 4Soudain les trois disciples virent Élie et Moïse qui parlaient avec Jésus. 5Pierre dit alors à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici. Nous allons dresser trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » 6En fait, il ne savait pas que dire, car ses deux compagnons et lui-même étaient très effrayés. 7Un nuage survint et les couvrit de son ombre, et du nuage une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » 8Aussitôt, les disciples regardèrent autour d’eux, mais ils ne virent plus personne ; Jésus seul était avec eux. 9Tandis qu’ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme se relève d’entre les morts. 10Ils retinrent cette recommandation, mais ils se demandèrent entre eux : « Que veut-il dire par “se relever d’entre les morts” ? »

Pour tout vous dire, c’est le seul passage de l’Evangile dont je me sens exclu. D’abord, il y a ce petit cercle de privilégiés, Pierre (!) Jacques et Jean (je n’aime pas les petits cercles) ; il y a aussi cette ascension vers le divin (après 35 ans de vie chrétienne, je n’arrive toujours pas à décoller !) ; Enfin, il y a la théophanie, l’apparition de Dieu.  Cette présence insoutenable du divin ne colle pas avec la proximité à laquelle Jésus m’avait habitué jusque-là. J’ai l’impression qu’il me lâche soudain… Heureusement, mon ami Pierre m’adresse un carton d’invitation : il pose les mêmes questions stupides que je pose quand je ne sais pas quoi dire (9.6) ! Grâce à Pierre, sur cette montagne, on n’est pas encore tout à fait au ciel!

De sommets en sommets…

L’événement de la transfiguration est assez difficile à appréhender, d’autant qu’il suit immédiatement le grand chapitre huit, situé à mi-parcours de l’évangile, où Jésus avait dévoilé l’essentiel de sa mission.

Un premier sommet avait été franchi avec la confession de Pierre (« Tu es le Christ » 8.29), confession en trois mots, inscrite pile au centre de l’évangile comme ligne de partage des eaux. Un second sommet avait été atteint dans le dévoilement du parcours messianique : le Fils de l’homme va devoir mourir (8.31). Enfin, un dernier point culminant, et pas des moindres, avait été franchi dans cette invitation à suivre : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, prenne sa croix et me suive » (8.34) Tout n’avait-il pas été dit en ce huitième chapitre, quelle nécessité y avait-il à entrer dans l’indicible, l’inouï, l’incompréhensible ?

Une redescente difficile

Pierre, Jacques et Jean sont encore sonnés par la puissance de l’événement. Ils n’ont rien compris mais ressentent le traumatisme de cette confrontation au divin. La redescente sera pour Jésus l’occasion d’un enseignement : « Ne dites rien jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre-les morts » (9.9)

Jésus emploie un langage similaire à l’annonce de sa passion : c’est le Fils de l’homme qui va mourir, c’est encore le Fils de l’homme qui va ressusciter ? L’événement de Pâques s’inscrit dans la continuité du Vendredi saint ; il n’en sera pas la revanche, le « happy end » mais son lumineux approfondissement.

Une victoire qui se passe de revanche !

L’événement de la transfiguration prépare les disciples à celui de la résurrection. Ils ne doivent pas se tromper d’événement ! La résurrection ne renvoie pas leur Seigneur à la sphère d’une toute-puissance, d’une case départ qu’il aurait quitté l’espace d’une mission sur terre. La résurrection c’est le foulon de la croix (9.3)! L’Eglise doit naître à cette éclatante et vivifiante vérité que Dieu en Jésus a définitivement renoncé à la toute-puissance. Il sauve le monde au moyen d’une folie, d’une faiblesse, d’une ineptie, écrira Paul, celle de la croix. La résurrection ne fait donc pas oublier la défaite de la croix, elle en publie l’inacceptable message. Pour entrer dans la joie de la Transfiguration, il faudra donc à notre tour changer de figure, de peau ou d’être. « Qui veut sauver sa vie la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera » (8.35).

Se taire pour mieux écouter

Alors que Pierre cherche à fixer l’événement, à traduire l’indicible en dressant des tentes, et peut-être demain des temples, Jésus nous invite à nous taire un instant (9.9) pour faire nôtre le témoignage de Dieu sur la montagne : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé écoutez-le ! » (9.7).

Nous devons faire silence, préalable indispensable à la reconstruction de notre système de valeur ; c’est une tâche immense, le chantier d’une vie. Croire en la Résurrection comme victoire DU Vendredi Saint sur les forces de mort, c’est entrer dans la vie de Dieu. La réalisation de soi s’accomplira dans le partage non dans la possession, dans la réussite sociale pour servir et non pour se servir, dans l’aptitude joyeuse et paisible à la vie simple et non dans la boulimie consumériste qui caractérise notre temps.

Que la lumière de ton Fils bien-aimé, victorieux de la mort, vienne Seigneur transfigurer nos vies fatiguées et bientôt notre pauvre planète.

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