Tous baptisés en Jésus-Christ (Méditation de Romains 6.1-14)
Ne nous jetons pas à l’eau de ce chapitre 6 sans récapituler un peu. Au premier chapitre, Paul avait établi le dogme de l’universalité du péché : en Adam nous sommes tous pécheurs. La Loi a servi de révélateur de cette vérité aux juifs (3.20), la colère de Dieu (1.18) de révélateur aux païens. Le chapitre 3 avait établi une vérité centrale dans l’épître : le pécheur est justifié par la foi (3.21-25). Au chapitre 5, Paul affirme que le péché n’a réussi qu’à faire déborder la grâce de Dieu (5.20s).Certains, jouant de cette merveille théologique ont justifié la licence : « Puisque la grâce surabonde là où le péché abonde, et bien, profitons-en, péchons sans modération ! » (6.1). C’est pour contrer cet argument que Paul écrit ce chapitre 6. Il va y revisiter les fondements même de la vie chrétienne : le baptême, comme union à Christ.
Grâce à Dieu, le salut n’est pas indexé sur la qualité de notre foi !
Le pécheur est justifié par la foi. Cette vérité m’enchante tout autant qu’elle me trouble ! Il n’y a rien à faire pour mériter la grâce de Dieu ; mais ma foi est d’une telle inconstance, d’une telle inconsistance, que je crains maintenant pour mon salut … Quel chrétien n’a-t-il jamais été confronté à ces déchirements-là ?
Alors, pour ceux dont l’enthousiasme spirituel friserait l’irresponsabilité (6.1), comme pour ceux (certainement nombreux) que le doute chronique ronge de l’intérieur, Paul veut maintenant revenir au fondement : le baptême.
Un cran trop loin
« Le baptême, écrivait Alphonse Maillot, est comme le cliquet qui empêche une roue dentée de repartir en arrière ». C’est l’acte objectif et irréversible de l’amour de Dieu envers nous. Le baptême produit l’effet de mon salut aussi sûr que la mort du Christ sur la croix produit le salut du monde. Le baptême est le processus d’appropriation subjective du salut objectif, historique, réalisé à la croix. Comme Christ, nous vivons une mort et une entrée dans la vie nouvelle, dans le sillage du Ressuscité.
Une noyade salutaire
Ne nous trompons pas de baptême ! Ce ne sont pas quatre gouttes d’eau ou toute l’eau d’une rivière qui vont, comme par magie, opérer ce passage de la mort à la vie. Les superstitions ne sont pas que chez les autres ! Le baptême dont parle l’apôtre ici est une expérience intérieure, invisible, fondatrice qui témoigne de notre union spirituelle à Jésus-Christ. On peut dire que nous sommes baptisés le jour où nous sommes capables de dire : « Jésus-Christ est Seigneur ! ». Cette confession de foi est d’ailleurs, toujours selon Paul, l’œuvre de l’Esprit Saint en nous (1 Co 12.3).
Dans le sillage même du Christ
Baptisés donc ? Au sens littéral d’immergés, de plongés. Il ne s’agit pas de laisser mourir en nous seulement la partie que nous jugerions moralement mauvaise et de garder le reste. Tout doit disparaître ! Le baptême consiste en la mort spirituelle totale, radicale d’une existence. Le vieil homme (v.6 – l’existant sans le Christ) disparaît ; un homme libéré est suscité (v.7).
Pour faire comprendre cette réalité spirituelle du baptême, Luther, évoquait dans son Petit Catéchisme, l’image de la noyade. Le baptême n’est pas seulement une grande lessive, mais l’acte divin par lequel il m’est enseigné que Christ est mort pour moi et que moi, je suis mort avec lui. La foi me rappelle ces événements, mais à cause de sa fragilité, il faut qu’un signe objectif, indiscutable soit posé. Le signe de l’eau. Signe de mort, comme le furent les eaux du déluge conduisant Noé vers un nouveau départ ; signe de vie, comme l’eau où la vie trouve son origine et se développe, comme l’eau jaillissante qui étanche la soif (Jean 4.14) ; signe commun de reconnaissance entre tous les baptisés qui forment l’Eglise du Christ.
Belle plante !
« Unis à Christ » (v.5). Tel est le statut des baptisés. L’étymologie du mot « unis » plaira aux jardiniers. Nous pourrions traduire : « Nous sommes de la même plante ». Jésus lui-même dans l’évangile de Jean (chap.15), comparait déjà sa relation à ses disciples avec l’union organique du cep de vigne avec les sarments. Comme le cep apporte aux sarments la sève nécessaire, par le baptême, Christ nous abreuve de la vie de Dieu.
La libération du péché n’est pas donnée pour de nouveaux enfermements (doctrinaires en particulier), mais pour une vie pleine de possibilités. Nous ne sortons pas du baptême blanc comme neige au sens moral, mais libres d’envisager la vie autrement, un peu comme le Christ avait envisagé la sienne.