Sermon du lendemain 22/09/19 Luc 16,1-8 L’amitié à tout prix et hors de prix…
La parabole du gérant habile
Jésus disait à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant et l’on vint lui rapporter que celui-ci gaspillait ses biens. Le maître l’appela et lui dit : “Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Présente-moi les comptes de ta gestion, car tu ne pourras plus administrer mes affaires.” Le gérant se dit en lui-même : “Mon maître va me retirer ma charge. Que faire ? Je ne suis pas assez fort pour travailler la terre et j’aurais honte de mendier. Ah ! je sais ce que je vais faire ! Et quand j’aurai perdu ma place, des gens me recevront chez eux !” Il fit alors venir un à un tous ceux qui devaient quelque chose à son maître. Il dit au premier : “Combien dois-tu à mon maître ?” – “Cent tonneaux d’huile d’olive”, lui répondit-il. Le gérant lui dit : “Voici ton compte ; vite, assieds-toi et note cinquante.” Puis il dit à un autre : “Et toi, combien dois-tu ?” – “Cent sacs de blé”, répondit-il. Le gérant lui dit : “Voici ton compte ; note quatre-vingts.” Eh bien, le maître félicita le gérant malhonnête d’avoir agi aussi habilement. En effet, les gens de ce monde sont bien plus habiles dans leurs rapports les uns avec les autres que les gens qui appartiennent à la lumière.
C’est là, sans doute la plus étrange et la plus osée des paraboles de Jésus.Avec cette histoire absolument immorale il nous fait regarder dans les coulisses d’un monde où l’argent est roi, d’un monde d’affaires frauduleuses et de corruption totale, d’un monde, où les rapports sont tout ce qu’il y a de plus mafieux. Dès le départ le gérant, dont il est question est malhonnête : il dilapide les biens et la fortune de son patron. En falsifiant les contrats des débiteurs il pratique la corruption active et vole, en même temps, encore une fois son patron. Mais, en acceptant sciemment ces « faux en écriture », les débiteurs, eux aussi, sont coupables de corruption, mais de corruption passive. Et, le grand propriétaire terrien, en faisant avec admiration l’éloge de l’habileté et de la ruse de son gérant, prouve qu’il trouve la corruption normale, et, qu’il est donc de la même trempe que son gérant. Pas très “clean” tout ça ! Il nous faut donc tout de suite prévenir : Attention, ne prenons surtout pas cette parabole au premier degré. Car aucun de ces personnages n’est un modèle de vie chrétienne. Aucun n’est un exemple à suivre. Soyons clairs… Jésus ne veut absolument pas que nous soyons malhonnêtes, ou des gens prêts à se laisser acheter, ou à corrompre d’autres. Non, tout cela, ce sont des habitudes ou des manières de faire des « enfants de ce siècle », ou des « fils de ce monde », comme il est dit textuellement. C’est-à-dire, de ceux qui ne connaissent que le monde présent et la vie actuelle, et qui ne veulent même pas entendre parler d’autre chose. Ils se mettent à ricaner quand ils entendent parler de Dieu, de vie éternelle, de justice et d’idéal. Pour bien comprendre ce que Jésus veut nous dire par cette parabole énigmatique, il est de la plus grande importance, de savoir, à qui il s’adresse à ce moment-là. C’est pour cela que l’évangéliste commence son récit par ces mots : « Jésus dit aussi à ses disciples ». C’est donc à des disciples qu’il dit cette parabole déroutante, et non pas à des auditeurs inconnus ou occasionnels. C’est à ses douze apôtres, et, éventuellement encore à quelques autres, qui faisaient partie du cercle de disciples un peu plus large. C’est à des disciples qu’il parle et seulement à eux. Donc, à des gens, dont il sait : ceux-là ne me comprendront pas de travers. En suivant Jésus Christ ils sont devenus « enfants de lumière ». Ils agissent, ils vivent en pleine lumière. Contrairement aux « enfants du monde », ils n’ont rien à cacher. ils n’ont pas peur de la lumière. Ou, plus exactement, ils n’ont plus peur de la lumière, parce que leur maître Jésus-Christ a entièrement clarifié et purifié leurs rapports avec Dieu et avec les hommes. Et, cette purification globale englobe aussi leur attitude à l’égard des biens de ce monde, à l’égard des richesses, à l’égard de l’argent. Pour un disciple de Jésus, ce n’est plus l’argent qui règne sur le monde et sur sa vie. Mais, c’est lui qui gère son argent et ses biens dans ce monde, de manière entièrement libre et responsable. Mais voilà, chers amis, toute cette description du disciple « enfant de lumière », n’est-elle pas trop belle pour être vraie ? Car, Jésus le sait bien : ses disciples ne sont pas des anges. Il sait même, que l’un des siens le trahira pour trente pièces d’argent. Car, même si les « enfants de lumière » ne sont plus du monde, et ne veulent plus imiter les « enfants du monde » ils sont pourtant toujours dans le monde. Et, à tout moment, ils peuvent être tentés de céder à ce qui est admiré et considéré dans ce monde visible et palpable : l’argent, la richesse, le pouvoir. Mais, en cédant à cette tentation du monde, ils perdront peu à peu, et sans s’en rendre compte, toute notion de justice et de respect des autres. Et cela ne serait certainement pas démenti par notre époque avec ses horreurs économiques, ses pressions d’actionnaires avides, ses délocalisations éhontées, mais aussi avec ses passions : jeux d’argent et autres tentations d’argent facile qui font le malheur de beaucoup de familles. Eh oui, chers amis, c’est à ses disciples, c’est donc à nous que Jésus donne deux leçons par cette parabole ! D’une part, un avertissement que nous sommes toujours à nouveau tentés d’oublier : richesses, pouvoirs et biens de ce monde, ne nous sont confiés que pour un temps. Un jour, il nous faudra les abandonner à d’autres, comme le gérant de la parabole. Le linceul des morts n’a pas de poche. Et d’autre part, pour éviter toute mauvaise surprise le jour du jugement dernier, Jésus nous recommande de gérer ces biens intelligemment. Notre avenir en dépend. Le gérant de la parabole a préparé habilement et avec ruse son avenir ici-bas. Il a utilisé son pouvoir pour se faire, parmi ses semblables, des amis qui l’hébergeront quand tout lui sera pris. Peut-être pour quelques petites années de retraite tranquille, dont les jours seront comptés…. Quelques années de retraite… nous aimons tous à penser, avec les « enfants de ce monde » qu’elles soient longues, douces et agréables voilà pourquoi, pour ceux qui le peuvent, nous les préparons par toutes sortes de cotisations, de placements et d’économies. Mais, notre avenir d’ « enfants de lumière » lui, il ne se résume pas à ces placements et à ces quelques années, il a la promesse et l’espérance de l’éternité que Jésus confère aux siens. Ne vaut-il pas la peine de nous y préparer avec un peu plus de conviction ? Là, ce ne sera pas ce que nous avons épargné qui sera déterminant, mais ce que nous aurons donné de nous mêmes, pour aimer, soulager, réconforter ceux qui cherchent des raisons de vivre et d’espérer. Ce jour-là, le roi nous répondra : « tout ce que vous avez fait à l’un des plus petits de mes frères, pour l’honneur de mon Nom, c’est à moi que vous l’avez fait… venez, vous qui êtes bénis de mon Père ». Amen