Rencontre à l’hôtel des impôts (Méditation de Mat 9.9-13)
La rencontre avec Matthieu le percepteur des impôts (appelé Lévi fils d’Alphée par Marc et Lévi tout court par Luc) se trouve accrochée au récit de la guérison d’un paralysé à qui Jésus avait donné cet ordre célèbre entre tous : “lève-toi et marche ! » (v.5)
Avec la même autorité Jésus interpelle maintenant Matthieu : “Suis-moi” (v.9). Matthieu se lève et le suit. On a l’impression qu’une guérison d’un autre type se prépare…
Si les percepteurs d’impôts jouissent d’une réputation détestable dans les évangiles, ce n’est pas pour les mêmes raisons que ceux qui travaillent aujourd’hui à l’hôtel des impôts ! Les publicains ou collecteurs d’impôt étaient considérés par les juifs comme des traîtres, des collabos. Ils travaillaient au service de l’administration romaine percevant la taxe pour l’occupant et par voie de conséquence considérés comme religieusement impurs infréquentables. C’est ce qui leur valu l’appellation générique de « pécheurs » (v.11). Et comme un péché arrive rarement out seul, on les soupçonnait de s’enrichir au péage de manière obscure. Jésus en allant manger chez Matthieu « Le Pécheur » provoque une véritable onde de choc chez les habitants du lieu.
Jupes courtes, cigarettes et bon vin !
Il n’est pas convenable de s’asseoir à la table des pécheurs (v.11). Chaque société a ses codes, ses règles et ses expertises en matière de juste et d’injuste, de permis et d’interdit, de convenable et de scandaleux. Et malgré ce récit, l’Eglise n’est pas en reste ! Il est choquant pour un protestant américain de boire de l’alcool, mais pas pour un français. Il est incorrect pour un chrétien évangélique français de fumer, mais pas pour un hollandais. Les dames allant au culte ne s’habillent pas de la même façon dans le sud-ouest de la France et sur la Côte d’Azur. Sur les rives de le Méditerranée, on s’autorise, plus que dans le Béarn, les hauts talons et les jupes courtes ! Les codes changent d’un endroit à l’autre et ce qui est choquant ici ne l’est pas ailleurs.
Son secret ? L’ouverture tous azimuts
A l’inverse de ces comportements, Jésus appréhende chacun d’une façon unique, au moyen de son code personnel : l’ouverture. Il s’ouvre à la rencontre, la provoquant quelque fois. Peu lui chaut les qualités ou les défauts des gens, leur histoire, leur apparence, leur appartenance. Seule la rencontre compte. Faisant éclater les vieilles outres relationnelles, il bouscule profondément les codes sociaux en vigueur de son temps.
Choc frontal
Alors qu’il est juif et religieux, Jésus est trouvé à table avec des collecteurs d’impôts, c’est comme s’il pactisait avec le diable ! Il choque profondément les consciences. C’est comme si aujourd’hui un chef politique d’un parti libanais invitait à déjeuner le chef du parti rival. Qu’ils se mettent à se parler, à rire ensemble et à se comporter comme des frères. Cela choquerait et scandaliserait profondément les militants ! Ces leaders seraient immédiatement exclus du parti.
Mais pour Jésus un homme, avant d’être juif ou païen, juste ou injuste, est d’abord un homme.
Aux yeux de Jésus un homme ne peut jamais se réduire à sa carte d’identité, au montant de son compte en banque, à la couleur de sa peau, à ses fréquentations, à sa religion, etc. Dans la présence de Jésus, les limites sociales, nationales et religieuses craquent, comme un vieux vêtement rapiécé. L’humanité de chacun est soudain valorisée, accueillie, libérée.
En allant manger chez Matthieu le pécheur, Jésus ne cherche pas à provoquer gratuitement ses contemporains. Il n’est pas un Dieudonné en mal de reconnaissance, il est Fils de Dieu ! Jésus est là parce que Matthieu l’intéresse, parce qu’il l’aime.
Quel est ton problème ?
Nous sommes tous pécheurs, tous malades de quelque chose (v.12) :
Religieusement malades comme peuvent l’être les intégristes et les fondamentalistes de tous bords. Politiquement malades comme ceux qui comptent sur la violence morale ou physique pour faire triompher leur point de vue. Spirituellement malades, quand la quête de sens dépose les armes devant le consumérisme blasé.
Jésus révèle sans violence l’injustice de ceux qui se croient justes et appelle avec tendresse les pécheurs à le suivre.
Tu me suis ?
Suivre, c’est renoncer à maîtriser sa propre destinée et s’engager dans l’inconnu de Dieu. Cette suivance va nous amener à fréquenter beaucoup de monde, y compris les infréquentables ; elle va nous conduire à transgresser certaines convenances, dans l’unique intention de libérer, d’élargir, de donner de l’amour.
Suivre, c’est forcément prendre du poids !
« Suivre » Jésus pour Matthieu, c’est commencer par s’asseoir et manger. C’est donc forcément prendre du poids ! Devenir lourd, au sens de consistant, telle est la façon chrétienne d’entrer en relation, d’accueillir, de s’ouvrir à l’altérité, à l’inconnu.
N’est-ce pas le défi de notre communauté des Hauts de la Colline, comme de toute Eglise ? Nous venons de pays si différents, de cultures si différentes, de milieux sociaux si divers ! Il serait sans doute plus simple, plus naturel, plus confortable de faire une église malgache, une église libanaise et une autre église française… Mais ce ne serait plus l’Eglise du Christ !
Jésus nous rassemble autour d’une même interpellation, d’un même repas. Il nous fait assoir les uns aux côtés des autres dans une même Eglise, une même fraternité dont il est le chef. Humanité nouvelle où nous sommes tous appelés, tous pardonnés et tous réconciliés ! Amen!
Ces méditations sont partagées dans le cadre d’un forum propre à l’EPFB (voir http://wp.me/p49iaQ-2v). Elles sont souvent suivies de réponses “priantes” de la part des participantes malgaches. Comme celle qui suit :
“Merci JÉSUS pour ton amour qui reflète l’unité, l’union à TOI même Seigneur.Tu es l’alliance qui nous unit à Dieu notre créateur.Tu es venu pour sauver le monde sans faire de différence entre les gens. Mais nous qui sommes en ce monde, nous sommes aveugles d’esprit. Nous entretenons les divisions.Revêts-nous de cet esprit d’unité. Que l’humilité sois notre devise de parcours. Que ton nom seul soit exalté ! Par ton nom fléchis notre monde, reçois cette prière que nous adressons en ton nom JESUS. Merci !” Tiana.