“Prêts pour le voyage ?” (méditation de Matthieu 2.1-12)
L’imagination populaire fabrique toutes sortes de crèches. C’est incroyable tout ce que l’on peut trouver dans les crèches à travers le monde. Dans certains coins de France cette année on a même trouvé des crèches racistes, avec une triplette de rois mages blancs !
Mais il a fallu que je vienne au Liban pour découvrir dans une crèche à Achrafieh les 7 nains avec Blanche neige déguisée en sainte vierge!
Matthieu 2, 1-12 (TOB)
“1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem 2 et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. » 3 A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître. 5 « A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète : 6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple. » 7 Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l’époque à laquelle l’astre apparaissait, 8 et les envoya à Bethléem en disant : « Allez-vous renseigner avec précision sur l’enfant ; et, quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j’aille lui rendre hommage. » 9 Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant. 10 A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie.11 Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 12 Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.”
Bœuf, âne et moutons ?
Toute cette ménagerie associée à la crèche n’est pas dans le récit biblique. Est-ce une réminiscence de Luc 13.15 ? Alors que les pharisiens viennent reprocher à Jésus un miracle un jour de sabbat, il leur répond : «Hypocrites que vous êtes! Le jour du sabbat, chacun de vous détache de la crèche son bœuf ou son âne pour le mener boire, n’est-ce pas? » Est-ce le fruit de l’imagination populaire ?
Des rois ?
Les seuls rois mentionnés dans le récit sont Hérode et « le roi des juifs » qui désigne l’enfant Jésus dans la question des mages. La référence royale ajoutée par la tradition fait écho aux prophéties de l’AT.
Psaume 72.11 : « Tous les rois s’inclineront devant lui, toutes les nations lui seront soumises. »
Esaïe 60, 2-6 :
« 2 L’obscurité couvre la terre, la nuit enveloppe les peuples. Mais toi, le Seigneur t’éclaire comme le soleil qui se lève. Au-dessus de toi apparaît sa présence lumineuse.
3 Alors des nations marcheront vers la lumière dont tu rayonnes, des rois seront attirés par l’éclat dont tu te mettras à briller.
6 Tu seras couverte d’une foule de chameaux, De dromadaires de Madian et d’Épha; Ils viendront tous de Séba; Ils porteront de l’or et de l’encens, Et publieront les louanges de l’Éternel ! »
Voilà comment nos mages sont devenus rois : grâce au levier prophétique d’Esaïe 60 et du psaume 72.
Trois ?
On doit le chiffre à Origène au 5e siècle. Trois comme les trois cadeaux : un par mage. Mais il faudra attendre le 7e siècle pour que des noms s’ajoutent à ce chiffre: Melchior, Gaspar et Balthazar.
Mais ce n’est qu’au 16e siècle que Melchior deviendra blanc pour représenter l’occident, Gaspar, jaune, pour l’orient et Balthazar, noir, pour les nations du sud.
Quant à la galette ? Elle vient d’un culte solaire pré-chrétien célébré le 6 janvier pour fêter la fin du solstice d’hiver. C’est du pur paganisme !
Tout cela pour dire qu’on a beaucoup ajouté au récit biblique. Même le mot « Mage » est assez vague. Qui sont ces voyageurs, d’où viennent-ils?
Des mages ?
Il s’agit probablement des scientifiques de l’époque : les Perses ont toujours eu d’excellents mathématiciens et astronomes qui passaient leur temps à fabriquer des calendriers en fonction des étoiles et des cycles lunaires. On leur doit la datation des grands événements de l’antiquité.
Mais on sait aussi que la science à cette époque ne se limitait pas à l’observation des phénomènes naturels ; un scientifique, c’était tout à la fois un médecin, un prêtre, un astrologue, un magicien, un philosophe.
On n’était pas encore allé sur la lune et le ciel représentait matériellement l’espace infini où Dieu habitait.
Et nos mages observaient le ciel pour y découvrir un signe, y lire un présage, un message venant de l’horizon divin. C’était des hommes qui attendaient quelque chose du ciel, des hommes de l’espérance.
La Bible n’est pas vraiment tendre envers les devins, les magiciens et les astrologues :
« Qu’on ne trouve chez toi personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue ou de magicien » (Deut 18.13).
L’appel des infréquentables
C’est pourtant bien « ces gens-là » que Dieu guide vers la crèche. Des étrangers, des païens polythéistes, les croyants syncrétistes qui mélangent tout, des infréquentables…
Alors quand je vois les 7 nains dans la crèche d’Achrafieh ; quand je vois le bœuf, l’âne, et le petit Jésus entourés de toute la superstition du monde, au lieu de jeter la première pierre de la rectitude doctrinale, le pavé de la bonne lecture évangélique, je suis invité à me regarder dans le miroir de ce récit.
Ma foi est-elle aussi pure de tout élément superstitieux que je le prétends ?
Une foi épurée ou disparue ?
Il est vrai que la foi protestante a certainement plus péché par intellectualisme que par superstition. Si la Réforme est iconoclaste, si elle épure le dogme de ses fausses croyances et le libère de ses idoles, demandons-nous, devant la crèche, si à force d’épurer, il nous reste encore un peu de foi?
Ce que nous dit le récit des mages, c’est que Dieu prend l’initiative de la rencontre. Comme les mages, Dieu nous appelle de loin. Même après 2000 ans de christianisme, nous partons de très loin ; notre rationalisme ou nos superstitions nous éloignent de Dieu ; Si Dieu ne nous appelle, s’il ne conduit nos pas, s’il ne nous fait pas signe, nous ne savons pas par quel chemin nous approcher de lui. Nous restons dans la nuit de la superstition ou de l’incrédulité.
Repartons en voyage frères et sœurs ! Redevenons quelques instants étrangers à toute cette histoire. Refaisons la route de notre orient vers la crèche ! Et au bout du chemin, là devant la crèche, que trouverons-nous ? Aucune révélation renversante, aucun mystère dévoilé, aucune religion révélée, ni protestantisme, ni catholicisme, ni orthodoxie, il n’y a qu’un enfant… Noël, c’est une naissance. C’est Dieu qui vient au monde et non l’humanité qui monte au ciel ; Dieu avec nous, avec tous les étrangers du monde, et non Dieu pour nous seuls. Dieu qui se donne dans la simplicité d’un enfant. Emmanuel.
2016 : Toujours joyeux ? (1Thess 5.16)
Quel effet a eu cette vision sur les mages ? « Quand ils aperçurent l’étoile, ils furent saisis d’une très grande joie ».
Voici peut-être le signe le plus tangible de la rencontre avec le Seigneur : la joie !
Si cet après-midi on vous demande : « Alors qu’est-ce que tu as fait de ta journée de repos aujourd’hui ? » et que vous répondez : « Rien de spécial : je me suis levé, j’ai pris un petit café et je suis allé au culte, j’ai prié le Seigneur et je suis rentré chez moi.» Il est possible, il est même certain, que quelque chose manque à votre vie. Vous avez rencontré le Seigneur ? Et cela ne vous a fait ni chaud, ni froid ? N’avez-vous pas ressenti, comme les compagnons sur le chemin d’Emmaüs, et les mages devant la crèche, un feu qui embrasait vos cœurs ? A moins que vous ne soyez passés à côté de cette rencontre ? La joie, frères et sœurs, où est passée la joie de la rencontre avec l’enfant de Noël, notre Seigneur Jésus? Je ne parle pas de l’exubérance que certaines Eglises manipulent comme un interrupteur.
Je songe à cette joie profonde de la rencontre ; une joie existentielle qui marque bien plus que l’instant présent ; une joie qui, comme l’étoile, met en marche et oriente tout notre être pour le voyage d’une vie. Cette joie dont parlera Paul aux chrétiens de l’Eglise de Philippe : « Soyez toujours joyeux ! » Voilà une belle exhortation pour ouvrir cette nouvelle année vous ne trouvez pas ? C’est plus qu’un vœu, c’est un programme, un voyage ! Soyez toujours joyeux en Jésus-Christ !
Ces traces dans le sable pourraient être celles des chameaux des mages repartis joyeux vers l’orient. Quelles traces, quel témoignage laisserons-nous en ce monde ?