“Pas tout à fait seuls” (Méditation du Psaume 3)

Chaque psaume a été écrit dans un contexte particulier. Un fait d’histoire, une fête, un sacre royal, une victoire, une défaite. La plupart du temps, ce contexte n’est pas rappelé. Et quand il est précisé, comme ici au verset 1 : « Psaume de David quand il fuyait devant son fils Absalon », il est bien difficile de retrouver dans le détail la situation historique de 2 Samuel 15-17 (cycle d’Absalon). C’est en même temps ce qui fait la force de ces vieilles prières. A cause de leur absence de précision, il n’est pas difficile de se les approprier. Pas besoin d’être un roi en fuite pour prier avec ce psaume. Sans sombrer dans la paranoïa, il revient à chacun de savoir qui est son Absalon, où sont ces hordes d’ennemis qui l’encerclent et quelle sera pour lui la délivrance divine.

Seul contre tous !

Le psalmiste parle de sa vie telle qu’il la voit, la ressent. Ici, elle ressemble davantage à la mort qu’à la vie. Dire sa souffrance, même si les mots qui viennent sont outranciers ; même si l’exagération, voire l’hallucination, prennent le pas sur l’équilibre et l’exactitude (v.2, v.7), c’est le propre de l’homme. La souffrance rend paranoïaque, elle démultiplie les ennemis visibles et invisibles. C’est ainsi.

Il n’en demeure pas moins que notre orant souffre le martyre. Et le drame de sa situation se lit dans le regard des autres : « Plus de salut pour lui auprès de Dieu » (v.3). Il est perdu ! Ce verdict de condamnation de la multitude sur l’homme en détresse est aussi terrible qu’universel. On a tôt fait de conclure à l’irrémé-diable pour les autres ; de déclarer : « C’est fini, débranchons-le ». Nous sommes tous euthanasistes des autres ! Tous veulent en finir. Tous sauf UN.

Un NOM dans la nuit

Face à l’unanimité de la foule bien-pensante, un NOM est invoqué. Un seul NOM face à la foule. Le NOM de Yahvé (2,4,5,6,8,9) et non celui du Dieu Elohim, trop générique, trop impersonnel – c’est du reste par ce nom El que la foule nomme Dieu au v.3. C’est au Dieu qui se révèle en Personne que le psalmiste fait appel. C’est le Dieu qui se dresse (v.8) contre la foule dressée elle aussi (v.2), faisant rempart de son corps (derrière un bouclier, il y a toujours un bras !). C’est le Dieu qui relève la tête du désespéré. Après le bras puissant, j’imagine cette main relevant tendrement le menton affaissé, cherchant du regard le regard abattu, et lui souriant enfin. La réponse ne tarde pas : Toi Yahvé tu es ma gloire, tu relèves ma tête (v.4).

Je me couche et je m’endors (v.6-7)

Cette capacité à trouver le sommeil au cœur de l’adversité n’est pas donnée à tout le monde (même si le sommeil peut être aussi une fuite, un symptôme de dépression). Jésus dort dans une embarcation fragile encerclée par la mer déchaînée. C’est le sommeil de la confiance, plus forte que la peur.

Après sa rencontre avec le NOM, le psalmiste est en paix. Il se couche et s’endort. A son réveil il est en vie. Les ennemis réels ou imaginaires aboient toujours mais n’ont plus d’emprise sur lui. Que s’est-il passé dans ce sommeil restaurateur de confiance ? Le psaume ne dévoile pas l’indicible. Dans le lieu caché du cœur se produit la rencontre avec Dieu. C’est le secret de chacun.

Gueules cassées

Une chose est sûre, les ennemis passent maintenant un sale quart d’heure ! Dieu leur casse la gueule (v.8) ! Ceux qui affirmaient : « Il n’y a plus de salut pour lui » (v.3) s’en prennent maintenant plein les dents. Dieu va leur apprendre qu’il est le Dieu de celui que tout le monde rejetait, le sauveur de quiconque l’invoque du cœur de la nuit.

La foi ou le zen ?

N’est-ce pas ce qu’a découvert notre dormeur ? Que Dieu intervient réellement quand on en appelle à lui ? La foi n’est pas un luxe personnel, intérieur, un produit zen, source de calme et de maîtrise de soi. Ce psaume n’est pas un cours de yoga ! C’est le chant d’un croyant qui dépasse l’adversité d’un moment par le seul moyen de la foi. Croire que Dieu va intervenir pour rendre justice, voilà ce qui explique le sommeil et l’assurance de notre désespéré. Le Dieu de Jésus-Christ intervient dans l’histoire des hommes pas dans leurs fantasmes ! Nous ne croyons pas en un monde intérieur mais en un monde nouveau !

En attendant, entre appel désespéré et sommeil du justifié, il faudra tenir bon ! « Prenez courage, dit Jésus, j’ai vaincu le monde » (Jean 16.33)

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