«Liban, souviens-toi de ton Hermon » (Méditation du Psaume 133)
Chaque fois que je lis ce psaume, la mélodie du cantique 149 (du recueil Arc en ciel) me monte spontanément aux lèvres et j’ai envie de chanter !
“Ah ! Qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble,
Dans l’unité, la prière par l’Esprit qui rassemble.
Ah ! Qu’il est doux…”
N’oublions pas que ce psaume était chanté pendant le pèlerinage des fidèles montant à Jérusalem à l’occasion des fêtes religieuses juives.
Voir Jérusalem et mourir…
Quel bonheur donc de faire la route ensemble, de partager le pain et l’hospitalité des villageois en chemin ! Quelle joie de cohabiter à chacune des étapes du pèlerinage. Cela me rappelle une réflexion du pasteur Robert Sarkissian qui me confiait, lors de notre première rencontre en octobre 2012, qu’il avait rêvé d’arrêter son ministère pastoral à Beyrouth le jour où il aurait pu rejoindre Jérusalem en voiture par la route du littoral, sans check-point ni mur… Son rêve ne fut pas exaucé et ma mission parmi vous sera sans doute trop courte pour voir la levée des embargos. Pourtant quel voyage ce serait là ! Mais revenons au psaume…
Plus qu’une promenade de santé
Nous pourrions en rester à ce gentil et presque bucolique compagnonnage des pèlerins en route vers la cité sainte, si l’on ne trouvait cette étonnante comparaison avec le parfum, l’huile descendant de la barbe d’Aaron (v.2).
Cette huile dégoulinante était utilisée lors des consécrations de prêtres en Israël, tous issus de la tribu de Lévi et dont Aaron fut le premier.
Dans un acte éminemment sacramentel, on faisait couler de l’huile parfumée sur la tête du prêtre, du prophète ou du roi en signe d’investiture d’un mandat confié par Dieu lui-même.
Voilà ce que suggère cette première comparaison : La communion entre frères et sœurs, l’entraide, le soutien, la marche ensemble, sont comme les marques d’un sacerdoce divin, du service sacré que Dieu attend de chacun de ses prêtres, c’est-à-dire de chacun des fidèles.
En aimant notre prochain et en particulier tous les chrétiens, protestants, catholiques ou orthodoxes, nous devenons prêtres de Dieu honorant une sainte vocation.
La foi s’incarne dans l’amour
On s’imagine souvent que le prêtre doit s’occuper des affaires du culte, que son action est confinée au périmètre du sacré : au service de la prière, de la parole, des sacrifices ou des sacrements. Ce psaume nous enseigne qu’il n’y a pas de plus grand sacrement que l’amour du prochain.
Jésus en venant dans le monde reçoit de Dieu l’onction. Christos en grec signifiant « Celui qui est oint, qui reçoit l’onction ». Le Seigneur Jésus-Christ reçoit de Dieu la légitimité, la puissance et la vision du salut à réaliser pour le monde.
L’épître aux Hébreux nous le présente sous les traits du dernier des prêtres d’Israël et du nouvel Aaron (Heb.5.5), venant accomplir le sacrifice ultime de sa vie pour le pardon des péchés.
Le vivre-ensemble entre frères, chanté par le psaume 133 est donc bien plus qu’une cohabitation de voyageurs interdépendants par le fait des circonstances ; la communion fraternelle est bien plus « qu’une bonne ambiance dans l’Eglise », c’est une sainte vocation, une onction sacrée qui dit l’essentiel de notre nature chrétienne. Il est certainement plus facile d’être chrétien en suivant les cultes sur « Top chrétien » que d’aller à la rencontre d’hommes et de femmes avec qui nous n’avons rien en commun mis à part cette conscience d’être pareillement aimés de Dieu.
Cet « entre frères » (et sœurs !) s’étend aujourd’hui à tous les hommes puisque Jésus est mort sur la croix pour tous. Ne limitons pas l’amour du prochain à l’amour des chrétiens, mais regardons plus loin, dépassant les clivages étriqués de l’entre soi et des replis identitaires.
Le Liban, symbole de fraternité
La deuxième comparaison est celle de la rosée qui descend du Mont Hermon (Massif de l’Anti Liban, formant la frontière syro-libanaise et dont le point culminant, l’Hermon se situe à 2814 m d’altitude).
Le bonheur de vivre ensemble dans une vraie fraternité est maintenant comparé à la fraîcheur de la rosée qui se dépose sur les pentes du Mont Hermon. La bénédiction est comme le parfum et comme la rosée : elle descend du ciel jusqu’à nous. Elle est comme le Mont Hermon avec ses pentes luxuriantes, humides et fraîches en comparaison des zones arides de Sion.
Le Liban est donc symboliquement cité en exemple de fraternité au reste du monde ! Ah, si les relations entre les gens, les pays, les communautés religieuses ressemblaient aux vertes pentes de l’Hermon, notre monde serait si beau, si fraternel !
Ceci dit, notre Liban, qui manque terriblement d’eau cette année (!), devrait s’inspirer davantage des richesses hydrauliques naturelles de ses propres montagnes pour élever son niveau de fraternité intercommunautaire !
Peut-on aimer Dieu sans aimer son frère ?
Ce psaume 133 chante la vraie fertilité, l’abondance produite par les relations fraternelles. On ne reconnaît pas l’autre comme son frère parce qu’il nous ressemble ou parce que sa façon d’être nous plaît, mais seulement parce qu’il est aimé de Dieu. De même, quand nous allons au culte, nous n’allons pas simplement à la rencontre de notre Dieu et de quelques amis, mais à la rencontre de nos sœurs et frères rassemblés par un même Père. Il n’y a pas de relation avec Dieu sans relation au prochain.
Ce psaume nous appelle à considérer la relation à nos frères et sœurs comme une vocation spirituelle venant de Dieu. Il nous invite à nous abreuver les uns les autres de cet amour fraternel. Comme une terre desséchée se nourrit chaque matin de la rosée, comme l’on se parfume avant d’aller à la rencontre d’un être aimé, le chemin que nous montre le Seigneur Jésus-Christ est simple : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 13.34). Amen !