“Le Royaume de Dieu ? Demandez aux enfants !”

Luc 18.14-17 (TOB)

[…] tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. »

15 Des gens lui amenaient même les bébés pour qu’il les touche. Voyant cela, les disciples les rabrouaient. 16 Mais Jésus fit venir à lui les bébés en disant : « Laissez les enfants venir à moi ; ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. 17 En vérité, je vous le déclare, qui n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas. »


« Laissez venir à moi les petits enfants ! » Très belle scène d’évangile qui nous montre un Jésus très gentil avec les enfants.  Dieu est bon avec tout le monde, les petits et les grands. Youpi ! Mais, se tournant vers le lecteur, Jésus ajoute une petite phrase qui vient tout compliquer…

Plus besoin de l’Évangile ?

« Il faut accueillir le royaume de Dieu comme un enfant ». Un petit sondage réalisé à la volée pendant le culte fait de l’innocence la première qualité à imiter chez l’enfant. Les enfants, les bébés sont incapables de faire du mal… Ils sont purs.

C’est tentant, mais cette compréhension nous place devant un autre problème. Si l’on doit devenir innocent pour entrer dans le Royaume, alors nous n’avons plus besoin de l’Evangile !

Jésus le dit : “je ne suis pas venu pour les bien-portants mais pour les malades.” L’Évangile est pour les coupables, pas pour les innocents ! C’est par grâce que nous sommes sauvés, pas par l’innocence. Fausse piste donc.

L’esprit du pitbull et l’esprit d’enfance

Une qualité  émerge de mon sondage : l’humilité. Se savoir tout petit et n’en éprouver ni honte, ni frustration, ni colère. Rien à voir avec cette fausse humilité qui consiste à s’abaisser soi-même par des petites phrases savamment étudiées. Il suffit que quelqu’un s’autorise à en dire autant de vous pour que l’humble rideau de fumée laisse place au feu dévastateur !

L’humilité n’est pas une qualité qui se cultive dans le secret de son jardin intérieur ou qui s’affiche sur le visage. Contrairement à ce que l’on entend souvent, elle n’est pas une qualité personnelle mais une valeur relationnelle. Je me trouve très humble tant que personne ne me cherche… Mais qu’un contradicteur se pointe, une micro seconde suffit pour me faire basculer de l’esprit d’enfance à l’esprit du pitbull !

Etre humble, c’est engager sa vie contre la domination, l’exploitation, l’exclusion, mais sans violence. Celui qui est humble ne dit pas « Non !» en fermant les poings ; il fait face à l’oppresseur les mains vides et le cœur rempli d’espoir.

Les humbles sont ceux qui sont habités par l’esprit des béatitudes, l’esprit d’enfance.

Grandir, la force des enfants

Ce que l’enfant sait faire, que nous avons su faire, mais que nous ne savons plus faire, c’est grandir ! La croissance, voilà le secret de l’enfance. Grandir, c’est l’aptitude à l’apprentissage, au changement, à la découverte, à l’émerveillement.

C’est pourquoi la croissance est un thème central de l’Evangile. Le risque, pour nous les grands, c’est d’arrêter de nous questionner, de nous croire arrivés. Nous pensons être nés du bon côté de l’horizon, dans la bonne Eglise, nous avons reçu la bonne parole, le bon baptême ?

Mais le Christ ne nous appelle pas à “arriver, à rester, à s’établir, à s’enraciner” ! mais à cheminer, à faire route, à grandir au fil des expériences et des rencontres, à changer sans cesse, nous rapprochant toujours un peu plus de lui, l’infatigable marcheur ! Le Royaume de Dieu n’est pas finalement ce lieu céleste où l’on viendrait poser ses valises et consommer l’éternité. C’est un espace de vie, de mouvement et d’être où l’on ne cesse de grandir, de découvrir, d’approfondir et de changer.

Un zeste de simplicité

Dans sa façon de penser, de dessiner, de jouer, de poser des questions ou de prier, l’enfant fait preuve d’une simplicité déconcertante. Notre façon de croire est souvent très compliquée. Nous conceptualisons, nous “théologisons”, nous planons dans les hautes sphères, alors que Jésus nous invite à une relation simple, immédiate et confiante à la vie, au prochain et à Dieu. L’enfant est maître en la matière, notre protestantisme a sans doute beaucoup à apprendre de lui !

L’arme fatale : la confiance a priori

Ce qui me fascine le plus chez l’enfant, c’est cette aptitude à faire confiance a priori. Quelle infinie puissance ! Face à un enfant qui sourit et qui tend les bras, le pire des hommes peut devenir un confident, un éducateur, un ami, un père, un gâteux. La confiance désarme la violence et transformera un jour ce monde en Royaume de Dieu.

Si notre monde va si mal, c’est parce que la méfiance a pris le pouvoir. Elle fait le fond de commerce des populismes qui gagnent aujourd’hui les élections ! Faites au contraire le choix de la confiance ! Tentez l’expérience : Donnez les clés de votre maison à un voleur notoire en lui demandant d’arroser vos plantes et de nourrir le chat pendant vos vacances. Non seulement vous retrouverez toutes vos affaires en rentrant, mais vos plantes seront magnifiques et votre chat ne pourra plus se passer de votre voleur ! Mais cela, seuls les enfants savent le faire.

La confiance transfigure les relations et fait naître l’amitié entre les hommes. Au fond, l’Évangile n’est pas quelque chose de compliqué : humilité, croissance, simplicité et confiance. Il y a là un chemin de vie tracé pour nous par le Seigneur Jésus. Si nous l’avons perdu, suivons les enfants, ils ont l’instinct du Royaume de Dieu. Amen !

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