« J’en rêve encore » (Méditation d’Esaïe 35. 1-10)

Voilà 2500 ans que ce merveilleux texte  a été écrit par le prophète (plus sûrement par un élève de la tradition Isaïque). Il y a deux millénaires et demi, les hommes rêvaient déjà d’un monde meilleur. Et leur espérance leur donnait des ailes pour en dessiner les contours. Les hommes de cette époque antique, des Juifs exilés à Babylone, rêvaient de revenir un jour sur leur terre natale pour y célébrer le Seigneur. A l’aube du 21e siècle, c’est encore le rêve de tous. Le Proche Orient n’a guère changé. Par ici, on rêve encore de la gloire du Liban (v.2) dont dépend tellement la fin du conflit syrien. On rêve d’une paix juste et durable avec Israël, d’une ouverture de l’Iran, d’une solution équitable en Palestine pour les 500 000 palestiniens réfugiés au Liban. On rêve encore…

Notre monde est gravement malade

Mais la réalité implacable nous réveille en sursaut. Nos cœurs palpitent d’angoisse (v.4) devant le monde tel qu’il est : le manque d’eau, la poussière brûlante qui vous mange les yeux et finit par vous rendre aveugle (v. 5, 7) ; l’explosion des bombes syriennes et des voitures piégées qui vous rendent sourd (v.5), vous transperçant les jambes au passage (les boiteux du v.6) et le spectacle de désolation qui s’ensuit, vous rendant muet (v.6) de chagrin. Que sont nos rêves devenus ? Et à quoi bon rêver à demain puisque aujourd’hui ressemble tellement à hier, que l’humain reste désespérément humain et que Dieu semble avoir rendu son tablier ?

Les mots d’Esaïe débordent de très loin le contexte relatif à son époque et l’histoire particulière de l’Israël déporté à Babylone. Grandeur de la révélation biblique, c’est l’histoire de notre monde qui est visionnée ici. Du plus sombre de cette histoire chaotique, un monde nouveau va émerger. Le moment venu, on verra la gloire du Dieu splendide (v.2).

C’est pas nous, c’est Lui !

Ce qui est promis par Esaïe ne donne pas dans le rafistolage ! On est loin des « résolutions » de l’ONU non suivies d’effet. Dieu offre un monde nouveau sans maladie, sans violence. Un monde où les forts veillent sur les plus fragiles. Un monde où les déserts naturels et humains reculent au point de disparaître, laissant place aux prairies et aux chants de fêtes.

Il faut être croyant pour rêver d’un monde pareil ! Comme gérants de la planète, nous avons fait nos preuves. Le monde entre nos mains est devenu un enfer. La prophétie met en évidence que le monde nouveau est l’œuvre unique et exclusive de Dieu.

La voie du Saint (v.8)

« Là, on construira une route qu’on appellera la voie sacrée » (v.8). Cette route est sacrée parce que Dieu y marche en personne. A sa suite, les croyants vivent une nouvelle sortie d’Egypte, une libération finale qui accompagne l’entrée dans un monde transfiguré. Un chemin nouveau est ouvert : « la voie du Saint » pourrait-on traduire.

Il faut relever que cette prophétie est citée par Jésus en réponse à la question de Jean-Baptiste (Es-tu celui qui doit venir ? Mat 11.3). Il est donc le Venant, ou l’Intervenant de Dieu pour conduire notre monde sur cette voie de salut. Sa messianité ne donne pas dans l’extraordinaire. Il fait ce que nous aurions dû faire : il apaise les disparités, soulage les infirmités. Conformément à la prophétie, Jésus est d’abord un soignant (v.5-6).

A ces œuvres « ordinaires », il ajoute quelques œuvres nouvelles non prévues par Esaïe : les morts ressuscitent (référence à Pâques mais aussi à tous ces gens qui ont croisé la voie du Saint de Dieu et repris vie).

Devenir pauvres

Une chose est claire et troublante à fois : un nouvel auditoire de Jésus est trié sur le volet : il adressera sa Bonne nouvelle, son Evangile aux pauvres Mat 11.4-6. Les autres resteront probablement figés dans la surdité et l’indifférence que produit la richesse. Les pauvres désigne ici tous ceux que les riches rejettent (ou ne parviennent pas à devenir), les exclus, les sans voix, les dépendants – pas nécessairement ceux (mais aussi !) qui sont sans ressources.

Les croyants sont premièrement ceux qui prennent conscience de leur pauvreté humaine, de leur incapacité à comprendre, à maîtriser leur destinée et qui s’en remettent à Dieu pour leur présent comme pour leur avenir.

Cette foi ne se limite pas à un acte spirituel intérieur, désincarné, sans autre conséquence qu’un bien vivre à soi-même. Notre foi doit s’incarner aussi sûrement que le Seigneur a revêtu notre humanité. Elle conduit fatalement à une mort à soi-même et à une résurrection.

Mais avant de penser à ressusciter les morts, tant de choses sont à notre portée : « Rendez fortes les mains fatiguées, les genoux chancelant. Dites à ceux qui s’affolent : ne craignez pas voici votre Dieu ! » (v.3-4).

Si j’ai bien lu cette prophétie, je comprends qu’un croyant c’est d’abord quelqu’un qui tient la main de son prochain. Encourageons nos semblables à ne pas perdre espoir mais à croire avec nous que Dieu vient en Jésus-Christ tracer route nouvelle !

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