Et Dieu dit au fou… (Méditation du Psaume 53)
Psaume 53
1Au chef de chœur. Sur la flûte. Poème de David.
2Le fou dit en son cœur : Il n’y a pas de Dieu !
Ils se sont corrompus, ils ont commis d’horribles injustices ;
Il n’en est aucun qui fasse le bien.
3Dieu, du haut des cieux, se penche sur les êtres humains,
Pour voir s’il y a quelqu’un qui ait du bon sens,
Qui cherche Dieu.
4Tous se sont éloignés, ensemble ils sont pervertis ;
Il n’en est aucun qui fasse le bien,
Pas même un seul.
5Ceux qui commettent l’injustice n’ont-ils pas de connaissance ?
Eux qui dévorent mon peuple comme on dévore du pain ;
Ils n’invoquent pas Dieu.
6C’est là qu’ils trembleront de peur,
Sans motif de peur ;
Dieu dispersera les os de celui qui t’assiège ;
Tu (les) rendras honteux, car Dieu les a rejetés.
7Qui donnera, depuis Sion, le salut d’Israël ?
Quand Dieu ramènera les captifs de son peuple,
Jacob sera dans l’allégresse, Israël se réjouira.
« Le fou se dit : pas de Dieu ! »
Ce psaume 53 est ce que l’on appelle dans le jargon, un doublon (voir le frère jumeau au n°14). Ils sont les mêmes à l’exception du verset 6.Une autre différence tient dans les noms de Dieu utilisés : Elohim (Dieu) dans le psaume 14 et YHWH (Seigneur) dans le 53. Plus intéressant, plus fous, encore que ceux qui disent « Seigneur » ou qui disent « Dieu », il y a ceux qui disent : « Pas de Dieu ! » (v.2).
Attention ! Rien à voir avec nos agnostiques de salon, intellectuellement révoltés par l’idée de l’existence d’un Dieu incapable de lever le petit doigt pour sauver sa création et concluant que si Dieu ne fait rien (alors qu’il est tout-puissant), c’est qu’il n’existe pas !
Non, les « pas de Dieu ! » des psaumes 14 et 53 ne sont pas des athées, des sans-Dieu des temps modernes. Paradoxalement, ce sont des polythéistes. Probablement les babyloniens persécuteurs des juifs en exil. Ils adorent des tas de dieux, mais refusent d’invoquer le Seul. Ils s’affairent autour du divin, espérant qu’à force d’incantations et de business, le dieu de la pluie arrosera leur carré de jardin et celui de la foudre mettra le feu au champ du voisin. Le fou donne à chacune de ses peurs ou de ses désirs le nom d’un dieu différent. Le nabal, n’est pas un fou au sens psychiatrique, c’est l’homme dont les rapports avec Dieu sont insensés ou aliénés. Pour lui, le divin est une source de puissance désirable pour s’approprier le monde. Le paganisme n’est rien d’autre qu’une tentative de maîtrise du monde par la domestication du divin.
Un Dieu mauvais coucheur
Pourquoi donc rechignent-ils à se mettre YHWH ou Elohim dans la poche ? Un Dieu de cette stature qui plus est ?
Premièrement, ils le savent, le Dieu de l’alliance est une ruine pour le commerce ! Non seulement, il n’aime pas les sacrifices, mais il est mauvais coucheur, exclusif ! Ce n’est pas le Dieu des petits arrangements mais celui du tout ou rien.
Des cieux, Dieu se penche vers les hommes en quête d’un juste, d’un honnête homme (v.4). Personne ! Alors que tous les autres dieux se sentent flattés par la quête de l’homme, ses invocations et ses sacrifices, alors qu’ils aiment être courtisés (du moins dans l’imaginaire de leurs adeptes), le Dieu du Psaume 53 se penche du ciel vers la terre pour se mettre à la recherche de l’homme. Le mouvement est inverse. Alors que les païens adorent le néant du haut, Dieu cherche l’homme qui s’est perdu tout en bas.
« Et Dieu dit au fou… »
La vision biblique de l’homme est accablante, déprimante. Rien de bon ! L’apôtre Paul fondera sa doctrine de la justification par la foi sur ce constat tiré des psaumes 14 et 53 : « L’Écriture le déclare : Il n’y a pas d’homme juste, pas même un seul, il n’y a personne qui comprenne, personne qui recherche Dieu. Ils sont tous dévoyés, ensemble pervertis, pas un qui fasse le bien, pas même un seul. » (Rom 3.10-12). Pourquoi cette insistance sur l’absolue déchéance de l’humanité. N’y a-t-il as en chacun des parcelles de bonté, de fraternité et même plus que cela ? Pour une simple raison : si l’homme découvre en lui une parcelle de bonté, un soupçon de force, une once de vérité, il l’idolâtrera aussitôt, il bâtira des temples à la gloire de dieux élevés à sa propre image. Ainsi va la folie. Elle secoue de tremblement ses adeptes alors qu’il n’y a pas de quoi trembler (53v.6).
Le Dieu qui se penche du haut du ciel vers la terre, c’est le Dieu Très-haut qui se fait Dieu Très-bas en Jésus-Christ. Tout n’est pas perdu, il y a au moins un juste ! Il ne vient pas en accusateur mais en frère, nous invitant à entrer dans sa justice, celle du don gratuit de sa vie pour tous.
Si le fou dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu », Dieu dit aux fous que nous sommes tous : « Il y a mon Fils ; en lui je t’aime à la folie ! »