« Espérer au creux de l’épreuve » (Méditation du Psaume 129)

Ce psaume fait partie de l’ensemble 120 à 135 intitulé « Psaumes des montées ». Ces psaumes étaient chantés par les pèlerins en route vers Jérusalem à l’occasion des grandes fêtes religieuses juives.

Un psaume récusé ?

Quand j’ai lu ce psaume 129 ce matin, ma première réaction a été de le récuser et d’en choisir un autre. Il semble en effet tellement éloigné de ma vie, de mes préoccupations.

Il me raconte l’histoire d’un peuple qui a vécu il y a vingt-cinq siècles dans un pays éloigné du mien (la France). Comment cette histoire pourrait-elle encore me parler ? Comment s’identifier aux souffrances d’un peuple auquel je n’appartiens pas ? Du reste, Israël n’est pas le seul peuple dont l’histoire est marquée par l’oppression. Combien de peuples de la terre peuvent aussi chanter  ce refrain : « Dès ma jeunesse on m’a souvent oppressé » (v.1)
Combien êtes-vous à pouvoir vous identifier, Libanais ou Malgaches, à cette complainte ?  Et comme l’a dit un jour un responsable politique égyptien à un homologue américain: « Si Israël est le peuple élu, alors qui sommes-nous ? ».

L’épreuve, que faut-il en faire ?

Et j’ai d’autant plus de mal à recevoir ce psaume aujourd’hui que, vingt-cinq siècles plus tard, Israël a appris lui aussi à labourer le dos des autres (v. 3) !
Ce sur quoi il est toutefois intéressant de réfléchir ici, au-delà de l’histoire particulière de cette nation, c’est sur le rapport à l’épreuve. Au plus fort de l’épreuve Israël a trouvé les ressources pour tenir bon. Sur le point de rompre, il n’a pas rompu ; au plus fort de l’oppression, il n’a jamais totalement désespéré. Quel peuple, quel individu n’a jamais un jour souffert les mêmes souffrances,  vécu les mêmes tragédies, les mêmes découragements et résisté avec le même courage quand ses ennemis lui faisaient du mal ? Ces paroles nous rejoignent soudain…

Au-delà de l’histoire d’Israël, ce psaume nous raconte notre histoire, celle d’une humanité en souffrance que Dieu n’a pas l’intention d’abandonner. L’humanité en tant que peuple de Dieu est une humanité opprimée, en proie à des souffrances indescriptibles.
Le peuple syrien subit aujourd’hui des violences atroces, les plus fragiles payant toujours le plus lourd tribut, les enfants, les femmes et les vieillards.

L’élection, l’épreuve suprême ?

Mais l’oppression ne veut pas dire la défaite : voilà le secret de ce psaume. Cette pensée entre en résonance avec une autre parole de Paul aux Corinthiens : « Nous sommes accablés de toutes sortes de souffrances mais non écrasés ; inquiets mais non désespérés ;  persécutés mais non abandonnés ;  jetés à terre mais non anéantis » (2 Co 4.8-9).
Israël affirme dans ce psaume sa conviction d’être le peuple élu. Au-delà des débats très vifs que peuvent susciter ces affirmations bibliques – et en particulier si on y mêle l’actualité, on apprend malgré tout quelque chose d’important sur cette mystérieuse élection divine…
L’élection se révèle au regard de l’histoire davantage une élection à subir l’épreuve qu’une élection au parfait bonheur !
C’est une élection à apprendre au cœur de l’épreuve quelque chose d’essentiel : l’espérance!
L’espérance, c’est l’anticipation de la victoire sur l’épreuve. La justice de Dieu ne nous épargne aucune souffrance, ne nous met à l’abri d’aucune difficulté, mais nous apprend à espérer qu’un jour les cordes des méchants (v.4), les cordes de la mort elle-même, seront tranchées.
Ce psaume « des montées » nous invite donc au dépassement de l’épreuve par la foi en la victoire. Rendre grâce à Dieu, en plein cœur de l’épreuve, c’est une folie de la foi, c’est une victoire déjà acquise. Car celui qui rend grâce est toujours plus fort que celui qui maudit ou réclame sa vengeance. Espérer, c’est faire l’expérience intérieure de la distanciation, de l’élévation, et peut-être tout au bout, du dépassement du mal qui nous accable.
La victoire suprême de l’oppresseur serait que sa victime renonce à espérer et s’abandonne au désespoir. Mais poursuivre notre marche, coûte que coûte, convaincus que les forces de mort seront bientôt défaites et que la bénédiction descendra sur ceux qui ont tenu bon, ainsi que sur toute victime de la violence aveugle, tel est le chemin étroit indiqué en filigrane par ce psaume.

Bénédiction ou moisson d’herbe sèche (v 7) ?

Le psaume s’achève au contraire sur une promesse de bénédiction à destination des pèlerins. Oui, la bénédiction est pour celles et ceux qui, dans le grand pèlerinage de la vie, savent regarder avec intelligence leur histoire personnelle. Peut-être cette histoire leur donne-t-elle des raisons de se lamenter, de trouver des raisons objectives à leur malheur ? Pourtant malgré le poids de son passé, le fidèle est celui qui choisit de croire en la bénédiction de Dieu, au retour de la grâce. Il choisit, contre toute raison, de rendre grâce, de bénir, parce qu’au fond de son cœur, Dieu a mis en branle un mécanisme d’espérance que rien ne pourra jamais arrêter.

Au-delà des souffrances du jour, Dieu promet un lendemain où le mal ne sera plus : « Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien a disparu. » (Apocalypse 21.4).

En Jésus-Christ nous sommes tous élus à ce lumineux destin entre épreuve et espérance. Celles et ceux qui marchent aujourd’hui dans la vallée de l’ombre de la mort main dans la main avec le Seigneur ne seront pas déçus. La bénédiction du Seigneur est pour eux ! Amen !

 

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