Deviens lumière

Texte biblique : Esaïe 60, 1 à 7

1Mets-toi debout et deviens lumière, car elle arrive, ta lumière :
la gloire du SEIGNEUR sur toi s’est levée.

2Voici qu’en effet les ténèbres couvrent la terre
et un brouillard, les cités,
mais sur toi le SEIGNEUR va se lever
et sa gloire, sur toi, est en vue.

3Les nations vont marcher vers ta lumière
et les rois vers la clarté de ton lever.

4Porte tes regards sur les alentours et vois :
tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi,
tes fils vont arriver du lointain,
et tes filles sont tenues solidement sur la hanche.

5Alors tu verras, tu seras rayonnante,
ton cœur frémira et se dilatera,
car vers toi sera détournée l’opulence des mers,
la fortune des nations viendra jusqu’à toi.

6Un afflux de chameaux te couvrira,
de tout jeunes chameaux de Madiân et d’Eifa ;
tous les gens de Saba viendront,
ils apporteront de l’or et de l’encens,
et se feront les messagers des louanges du SEIGNEUR.

7Tout le petit bétail de Qédar sera rassemblé pour toi,
les béliers de Nebayoth seront pour tes offices ;
ils monteront sur mon autel, ils y seront en faveur ;
oui, je rendrai splendide la Maison de ma splendeur.

Prédication

Chères sœurs,

Aujourd’hui nous fêtons l’épiphanie, du grec « Ἐπιφάνεια » qui signifie révélation, mise en lumière. Avant que la date du 25 décembre fût choisie pour fêter la naissance de Jésus, c’était cette date qui avait été retenue pour célébrer l’incarnation. Aujourd’hui encore dans le monde oriental c’est la date pour fêter Noël. Le premier texte que nous avons lu concerne le passage bien connu des Rois mages, venus de l’Orient rendre un hommage au nouveau roi des Juifs. Le deuxième texte, celui d’Esaïe, dit un peu la même chose mais dans un contexte historique différent et une tonalité plus abstraite.

Je vous propose de réfléchir sur le premier verset de ce chapitre 60 : « Lève-toi, brille, ta lumière arrive, la gloire du Seigneur se lève sur toi » dans la traduction de la Nouvelle Segond, « Lève-toi, brille, car ta lumière parait, et la gloire de l’Eternel se lève sur toi » dans la traduction de la Colombe, « Mets-toi debout et deviens lumière, car elle arrive, ta lumière : la gloire du Seigneur sur toi est levée. » dans la traduction œcuménique TOB. D’autres traductions dévoilent de manière anticipée l’identité du « toi » : « Debout, Jérusalem ! Brille avec éclat : en effet ta lumière arrive, la gloire du Seigneur se lève sur toi ! » dans la traduction en français fondamental de « Parole de Vie ».

Sans aucun doute il s’agit de Jérusalem, mais par forcément la Jérusalem de l’histoire mais plutôt une Jérusalem idéalisée, une Jérusalem des cœurs, celle qui sera « lumière des nations ». Je préfère donc que l’on conserve le mystère du « toi », ce « « toi » qui peut s’adresser aussi à chacun d’entre nous en ce jour d’épiphanie. Ce « toi » à la fois individuel et collectif. Ce « toi » qui dit la puissance de la révélation parce que cette révélation est issue d’un double mouvement. La révélation c’est d’abord une rencontre. Ce que dit très bien notre verset et, que nous allons essayer d’approfondir. La lumière du Seigneur n’est pas une vérité scientifique, elle n’a pas l’évidence d’une démonstration physique. Elle « est » parce que nous nous mettons en route et que, comme dit le texte, « nous devenons lumière ».

Comme souvent dans les affaires de foi, cela convoque deux notions incompatibles : l’être et le devenir. Que signifie ce « deviens lumière » avant que la lumière soit. Être lumière avant de recevoir la lumière du Seigneur ou concomitance des deux moments, simultanéité, entre l’action de « devenir » et réception de cette lumière ?  

D’une certaine manière ce verset d’Esaïe si, nous admettons qu’il peut s’adresser à chacun d’entre nous, reprend le principe philosophique évoqué par deux grands philosophes : d’une part Platon dans son « connais-toi-même » et Nietzche avec sa formule : « deviens ce que tu es ». Ces deux notions ont été largement galvaudées par les marchands de développement personnel qui en font surtout des notions autocentrées sur nous-mêmes. D’un point de vue philosophique cela nous invite à rechercher notre être véritable, notre nature profonde et à accepter cet être profond. Cette quête sous-entend qu’une transformation est possible, un chemin existe, qui doit aboutir à un nouveau regard sur soi-même. Le chemin de la connaissance de soi consiste à se libérer de ses illusions pour tenter d’accéder, malgré les obstacles, à une définition de ce que nous sommes vraiment. C’est un chemin de vérité. Pour Nietzche l’injonction : « deviens ce que tu es » est l’aboutissement du chemin vers soi-même : la mort des illusions et l’acceptation de notre condition réelle. Nous pouvons dire que paradoxalement c’est en réalisant que nous ne comprenons rien que nous pouvons accéder à la révélation.

Dans une perspective de foi, cette assignation à « devenir lumière », c’est reconnaître que notre être, croisera l’être de Dieu et que notre vérité profonde ne pourra réellement s’épanouir, se révéler que parce qu’il y aura la rencontre d’avec Dieu. La lumière divine en ce jour d’épiphanie fait rayonner notre propre être. Dans ce verset d’Esaïe il y a donc à la fois appel à notre initiative personnel et en même temps l’acceptation que « notre lumière » nous soit donnée : deviens lumière parce que tu es lumière. Ceci n’est possible qu’à condition qu’il y ait ces deux mouvements : autonomie et dépendance.

Nous nous sentons indignes, incapables de produire du fruit, nous avons parfois le sentiment de notre inutilité sur terre, et tous ces sentiments et d’autres nous parcourent tout au long de nos jours. Tout cela constitue sans doute notre être profond. Mais en même temps il y a la lumière du Seigneur qui nous rejoint et cette lumière a puissance de transformation.

En ces premiers jours de l’année où nous échangeons nos vœux, voici sans doute un vœu à formuler pour chacune et chacun d’entre nous : « Mets-toi debout et deviens lumière, car elle arrive ta lumière ». Parce que celui et celle qui se met debout pour suivre son étoile devient à son tour lumière pour les autres.

Bonne année et que Dieu vous bénisse.

Brice Deymié

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