“Aux armes !” (méditation de Matthieu 10.32-40)

Matthieu 10.32-40

32 « Si quelqu’un dit devant tout le monde : “J’appartiens à Jésus”, alors moi aussi, devant mon Père qui est dans les cieux, je dirai : “Cette personne m’appartient.” 33 Mais si quelqu’un dit devant tout le monde : “Je n’appartiens pas à Jésus”, alors moi aussi, devant mon Père qui est dans les cieux, je dirai : “Cette personne ne m’appartient pas.”

34 « Ne pensez pas que je suis venu apporter la paix sur la terre. Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. 35 En effet, je suis venu séparer l’homme et son père, la fille et sa mère, la belle-fille et sa belle-mère. 36 On aura pour ennemis les gens de sa famille. »

37 « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. 38 Celui qui ne prend pas sa croix et qui ne me suit pas, celui-là n’est pas digne de moi. 39 Celui qui veut garder sa vie la perdra. Celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera.»

40 « Si quelqu’un vous reçoit, c’est moi qu’il reçoit. Et la personne qui me reçoit, reçoit aussi celui qui m’a envoyé.»

Matthieu 5.9

” Heureux ceux qui procurent la paix, ils seront appelés fils de Dieu ”


On s’intéresse beaucoup aujourd’hui au phénomène de la violence religieuse. Les textes sacrés des religions contiennent tous des « versets sataniques » ! L’histoire avec ses guerres saintes, ses croisades et ses bûchers, comme l’actualité avec ses djihads, ses attentats terroristes revendiquent toujours un ancrage scripturaire. L’évangile du jour nous propose de méditer une parole de Jésus qui fait question : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre mais l’épée ». 

La paix ne se jette pas

Comment concilier cette parole avec la béatitude de la paix : « Heureux ceux qui procurent la paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Mat 5.9). Comment concilier cette parole d’apparence violente avec le ministère de Jésus entièrement consacré à l’amour du prochain, à la réconciliation et au renoncement à toute forme de violence ?

Regardons de près cette formule étonnante : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais l’épée ». Il faudrait traduire littéralement : « Je ne suis pas venu jeter la paix sur la terre. » Jésus n’est pas venu lâcher la paix sur la terre comme un canadair viendrait larguer sa cargaison d’eau sur une forêt en feu. Il n’est pas venu répondre au problème du mal, de la division et des conflits en lançant un déluge de paix sur la terre ! Dieu vient en Jésus marcher sur la terre ; il vient travailler à la paix en se rendant proche des réalités qui divisent, des conflits où les hommes se déchirent. Dieu vient mettre nos mains dans le cambouis de nos violences et il nous implique dans ce travail. Nous sommes envoyés sur la terre pour travailler à la paix ! Et Dieu nous équipe pour cela. Il nous remet une épée ! Dieu ne vient pas régler les problèmes de l’humanité de l’extérieur mais de l’intérieur.

Étrange image que celle du chrétien muni d’une épée. Une épée est une arme dont on se sert pour faire passer nos ennemis de vie à trépas. Alors pourquoi Jésus, l’homme de paix par excellence nous envoie-t-il dans le monde ? Faut-il en fin de compte pourfendre ou aimer nos ennemis ?

Parole et Esprit

Dans la Bible, l’épée n’est pas seulement une arme meurtrière, c’est aussi le symbole de l’Esprit. Elle représente l’action souveraine de la parole de Dieu dans le monde, la puissance du Saint-Esprit à l’œuvre.

Voici ce qu’écrivent les auteurs du NT à propos de l’épée :

« Prenez sur vous le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu. » (Eph 6:17)

« Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu’une épée à deux tranchants, pénétrante jusqu’à partager âme et esprit, jointures et moelles ; elle juge les sentiments et les pensées du cœur. » (Heb 4.12)

« Je me retournai pour regarder la voix qui me parlait ; et, m’étant retourné, je vis sept chandeliers d’or ; 13 et, au milieu des chandeliers, quelqu’un qui semblait un fils d’homme. Il était vêtu d’une longue robe, une ceinture d’or lui serrait la poitrine ; 14 sa tête et ses chevaux étaient blancs comme laine blanche, comme neige, et ses yeux étaient comme une flamme ardente ; 15 ses pieds semblaient d’un bronze précieux, purifié au creuset, et sa voix était comme la voix des océans; 16 dans sa main droite, il tenait sept étoiles, et de sa bouche sortait un glaive acéré, à deux tranchants. Son visage resplendissait, tel le soleil dans tout son éclat. 17 À sa vue, je tombai comme mort à ses pieds, mais il posa sur moi sa droite et dit: Ne crains pas, Je suis le Premier et le Dernier » (Ap 1.16)

L’épée dans la bouche du Seigneur Jésus est une parole qui produit une paix radicale en séparant le bien du mal. Une parole qui tranche entre le juste et l’injuste.

En attendant la grande lessive…

Je me pose une question insoluble : dans la “vraie vie”, les situations sont toujours très compliquées ; le mal et le bien, l’ivraie et le bon grain s’enchevêtrent de façon inextricable. Qui a tort, qui a raison ? Dans un conflit personnel, conjugal ou international, il est impossible d’y voir clair, de mettre les bons d’un côté et les mauvais de l’autre.

Jésus nous suggère de commencer par ce qui est à notre portée.

Il dit dans notre passage : « Je suis venu mettre la division entre l’homme et son père » (10.35). L’enfant est donc invité à se diviser, à se séparer de son père, comme le disciple du maître, comme l’homme doit s’affranchir de toute forme de tutelle. Et souvent la séparation fait peur, elle fait mal, comme une naissance peut faire mal. Naître soi-même à la liberté passe nécessairement par un traumatisme ! En tant que fils, nous devons apprendre dans la douleur à ne pas nous prendre pour le père, pour Dieu le Père ! Cette séparation, cette division est nécessaire et salutaire. C’est l’épée de la parole qui va faire ce délicat travail de séparation au bout duquel j’apprends à découvrir ma véritable place dans ce monde. Nous ne sommes pas Dieu et c’est très bien comme ça ! Le combat contre le mal et pour la paix commence en nous-mêmes, pas chez les autres !

Aimer en vérité

Cette distanciation, cette séparation est la condition pour aimer en vérité. L’amour fusionnel, l’amour totalitaire, l’unité absolue détruit. Le nationalisme, c’est-à-dire le culte rendu à la mêmeté ou au soi-même collectif, engendre toujours haine et violence.

L’amour qui sait au contraire se séparer, reconnaît l’autre dans sa différence. Cet amour-là puise dans la parole du Christ. Cette façon de se tenir dans le monde face à Dieu et face aux autres ne produit pas seulement de la tolérance, mais une paix véritable et entreprenante qui va transformer les relations et changer les cœurs au nom du Christ !

Frères et sœurs, le Christ n’est pas venu jeter sur la terre des solutions toutes faites mais nous appeler à prendre les armes pour mener un combat difficile, celui que l’Esprit Saint mène en nous-même et celui encore de la reconnaissance en tout homme d’un frère (10.40). Bienheureux serons-nous de fabriquer une paix comme celle-là ! Amen !

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