“A vous qui peinez…” (Méditation de Matthieu 11.20-30)

Mémoire sélective

C’est curieux comme notre mémoire est sélective…  On se souvient facilement du  “Venez à moi, je vous donnerai du repos” (v.28) mais moins spontanément du : « Prenez sur vous mon joug » (v.29). Nous avons dans l’oreille la musique de la grâce, mais cette même oreille devient dure dès qu’il s’agit d’en considérer les devoirs, les responsabilités.

Repos, grâce et malentendu

Le pasteur Dietrich Bonhoeffer, au long de son combat pour la liberté contre le régime nazi, évoquera le grand malentendu de la grâce dans un livre très important dont le titre dit l’essentiel : « Le prix de la grâce ». Dans un premier chapitre à couper le souffle, il évoque le grand malentendu autour de la grâce. « La grâce à bon marché, c’est la grâce à considérer comme une marchandise à liquider, le pardon au rabais, la consolation au rabais, le sacrement au rabais […] La grâce non tarifée, la grâce qui ne coûte rien. » Le repos du Seigneur, tout comme sa grâce, ne s’annonce donc pas comme un repos de tout repos !

Se reposer ?

Regardons de  plus près cet appel de Jésus à venir trouver auprès de lui LE repos (et non du repos). Qui appelle-t-il ?

La réponse se trouve dans le passage précédent (v.20-24).  Jésus se met en colère contre les villes de Galilée qui refusent de croire à ses miracles. Il leur donne en exemple des villes libanaises (Sour -Tyr,  et Saïda) connues comme des hauts-lieux phéniciens du paganisme méditerranéen. Jésus n’est pas à proprement parler en colère contre les villes de Bethsaïda ou de Korazin, mais contre leurs chefs religieux. Ces derniers préfèrent leur carcan à la démonstration puissante et vivifiante du Royaume de Dieu. Ils oppressent le peuple par le poids de leurs traditions. Ils multiplient les intermédiaires entre le ciel et la terre au point d’annihiler tout espoir de salut.

C’est pourquoi Jésus dans sa prière remercie Dieu d’avoir révélé ce Royaume aux tout-petits (v.25). Il se présente à eux comme celui qui libère des entraves les plus lourdes. Plus loin dans ce même évangile, il mettra en garde contre « ceux qui mettent sur les épaules des autres des fardeaux écrasant alors qu’ils refusent eux-mêmes de remuer le petit doigt » (23.1-4).
Il est facile d’inquiéter les gens, de les critiquer, de relever à la moindre occasion tout ce qui ne va pas chez eux, de brandir la menace du châtiment et de l’enfer. Il est plus facile de faire mourir que de faire vivre.

« Venez à moi, je vous donnerai du repos. »  Cette parole libère de toutes les charges qui écrasent nos vies. Je pense en particulier ce matin à celles et ceux qui se sentent écrasés par un travail pénible. Des journées de douze ou quinze heures, un très petit salaire et aucune reconnaissance. Mais je pense aussi à ceux qui sont enfermés dans une utopie politique ou religieuse, dans des relations familiales oppressantes, un dogmatisme… Jésus nous appelle à nous libérer de tout cela.

C’est épuisant !

Avec Jésus, le repos n’est pas du sommeil. Se reposer, ce n’est pas rester au lit toute la journée ! Le repos du Seigneur, c’est la grâce de vivre en hommes et femmes libres, de nous sentir pardonnés, aimés, d’apprendre chaque jour à vivre réconciliés avec Dieu, avec les autres et avec nous-mêmes.

Mais cette libération n’est qu’une première étape dans le projet de Dieu pour nous. Jésus nous libère pour nous replacer aussitôt sous un autre joug ! Le sien.

Un joug peut en cacher un autre…

Le christianisme n’est pas seulement une religion de la liberté, de la grâce et du repos. C’est aussi une religion de l’engagement et de la responsabilité. Notre liberté n’est pas un luxe égoïste, c’est un passage vers le service des hommes. Nous sommes chargés de mission !
Le repos du Christ a pour vocation d’être partagé. Il doit s’étendre au reste de l’humanité. Voilà pourquoi le Christ nous charge à nouveau.

Comme un père à un fils

Mais cette charge n’est pas accablante. Elle est comme la première grande responsabilité qu’un père ou une mère confie à son enfant. La confiance donne des ailes !
Cette parole de Jésus nous aide à comprendre de quelle nature est le joug nouveau dont il nous charge : “Si quelqu’un te force à courir un kilomètre à pied, fais-en deux avec lui “(Mat 5.41)
Le joug du Seigneur se porte dans la joie et nous invite à une vie ouverte et généreuse.
Le don de soi-même aux autres ne fatigue pas, il renouvelle, il transforme nos vies.

Ensemble c’est mieux !

Pour terminer, je voudrais attirer votre attention sur ce joug nouveau. Cette pièce de bois permettait au fermier d’attacher deux bêtes ensemble.
La bonne nouvelle pour nous, c’est que nous ne sommes pas seuls à « tirer » la responsabilité chrétienne. Grâce à Dieu, le salut du monde ne dépend pas de nous seuls ! Il se trouve à mes côtés quelqu’un pour porter la charge avec moi, s’attacher au même service, soulager ma fatigue et combattre le même combat de la foi. C’est le Seigneur Jésus, ce sont ses frères et ses sœurs, nos compagnons de route, membres d’un même corps.
Laissons-nous délester du poids écrasant de nos solitudes, de nos peurs, de nos culpabilités, pour porter ensemble et joyeusement le message de l’amour de Dieu au monde. « Empressons-nous d’entrer dans ce repos. » (Héb 4.11) Amen !

Les prières qui suivent ont été formulées sur le “forum protestant” Whatsapp, premier destinataire de ces méditations.

“Je reçois ce matin comme une grâce de savoir le Seigneur à côté de moi, sous le joug. Sa présence allège ma vie”. Christine

“Merci Seigneur d’être mon binôme pour porter mon joug
Ta présence me donne de la force pour continuer”. Hanitra

“Je remercie DIEU pour ses bonnes paroles ! Dans cette vie très dure, on a l’impression que le fardeau qu’on porte ne nous quittera jamais. Merci JÉSUS d’être à côté de moi, de me soutenir, de m’accompagner, de porter avec moi mon joug ! Je me sens légère! Libérée ! Soulagée ! Merci JÉSUS ! Gloire toujours à toi !”. Julia

“J’ai tellement besoin de repos ! Mais où est le temps du repos ? Ce n’est pas seulement le travail qui me fatigue, c’est surtout les soucis. Et je suis sûre que nous avons tous des tas de soucis ! Le souci, c’est ça le joug écrasant. Mais Dieu, Notre Puissant, nous envoie son Fils unique. lui seul peut nous libérer du joug des inquiétudes et le porter à notre place.” Hasna

“J’ai l’impression que le joug que je porte est trop léger pour tirer les difficultés de ma vie. C’est le fardeau qui traîne le joug en arrière et me laisse dans un état de confusion. Mais toi Seigneur tu me proposes ton joug facile, ton fardeau léger. Je veux les saisir sans hésitation!  Ha… je peux dire maintenant que la traversée du désert en ta présence est une promenade dans une oasis remplie de sérénité. Je ne laisse pas non plus la gelée d’hiver refroidir mon esprit, car en Toi, je trouve mon confort. Rien n’est comparable à Toi Jésus. En Toi, le joug devient mon support. Que ton nom sois loué comme hier, aujourd’hui et à jamais !”. Tiana

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