A l’épreuve du feu (Méditation de Romains 16)
Je me souviendrai toujours de cette jeune catéchumène au caractère bien trempé qui, ayant achevé sa formation chrétienne, me disait : «Voilà pasteur : au terme de mon catéchisme, j’ai la joie de vous dire que je crois en Dieu ! Je crois aussi en Jésus-Christ et je considère que tout ce que dit la Bible est vrai. J’aime tout le monde et je crois aujourd’hui que j’ai atteint mon but. Voilà pourquoi je ne viendrai plus jamais à l’Eglise. Toutes mes questions ont trouvé réponse, je ne vois pas ce que je pourrais encore recevoir… Merci et au revoir ! »
A la fin de cette épître aux Romains, nous avons peut-être le sentiment d’avoir tout compris sur le péché originel, la justification par la foi, la grâce, le Saint-Esprit et la gloire du Christ ressuscité. Et si Paul n’avait pas eu la mauvaise idée d’écrire ce chapitre 16, nous serions rendus au même point que ma catéchumène : en orbite autour de nos belles convictions ; pleins de vérités sur Dieu, le Christ, le salut, la foi, le monde, etc. Nous aurions à peu près tout compris sauf une chose, l’Evangile !
L’Eglise comme sérum de vérité
Veux-tu savoir si ta foi tient la route, si l’Esprit habite réellement en toi ? Veux-tu savoir si cette somme de connaissances théologiques acquises au fil des années et des lectures a changé quelque chose à ta vie ? Il n’y a qu’une façon de le savoir : deviens membre d’une Eglise ! Tout ce que tu sais restera pure poésie tant que tu ne l’auras pas exposé au feu de cette réalité. C’est ainsi que l’apôtre Paul achève son exposé magistral de la doctrine de la justification par la foi par ce trivial chapitre 16. Pas moins de vingt noms propres défilent sans que l’on sache très bien de qui il s’agit, ce qu’ils ont fait. Après nous avoir fait toucher le ciel, Paul nous ramène sur terre, nous entraînant dans cette galerie de visages que l’on salue sans connaître, où l’on prie avec des personnes que l’on n’aime pas forcément ; où l’on s’assoit et l’on mange avec des gens qui ne sont pas de notre milieu social, de notre pays, de notre espace sécuritaire (religieux, national ou psychologique). Ce chapitre 16 est écrit pour te dire, mon frère, ma sœur, que tant que tu n’auras pas franchi le seuil d’une Eglise, tant que tu n’auras pas fait de ces petits ou de ces grands frères de Jésus, tes propres frères, ta foi n’aura aucune consistance, aucune réalité. La vie d’Eglise, c’est le sérum de vérité pour la foi ! Nombreux sont ceux qui n’ont pas supporté l’épreuve…
Mieux que Facebook !
Il y a Phoebé, Madame la ministre de l’Evangile, connue pour sa défense des chrétiens (16.1-2) ; il y a Prisca et Aquila (3), le couple courage qui a risqué sa vie pour sauver des chrétiens ; il y a Epaïnète le missionnaire, qui est allé prêcher dans des régions où l’Evangile était encore inconnu (5) ; il y a Marie, Tryphène et Tryphose qui se donnent beaucoup de peine (leur temps, leur argent ? Leurs prières ? Leur service auprès des pauvres ? – 6.12) ; il y a ceux qui sont faciles à aimer comme Ampliatus, Stachys, Perside, les bien-aimés (8,10,12), et ceux qu’on observe en se posant des questions comme Apellès qui a fini par faire ses preuves (11) ; il y a la mère de Rufus que Paul appelle aussi sa mère (13), confirmant qu’on a toujours besoin de mamans dans l’Eglise pour se faire un peu dorloter et se régaler de bons repas ! Il y a Tertius qui a été la main de Paul : bénis soient les secrétaires consciencieux ! Il y a Gaïus qui invite chez lui Paul et toute l’Eglise : l’hospitalité est sans doute la marque la plus éloquente de notre appartenance à Dieu. Il y a enfin Asynchrite, Phlégon, Julie, Hermès, Patrobas, et les autres, dont on ne sait rien mis à part qu’ils sont saints (15).
Sainteté et amour : les armoiries du propriétaire
C’est peut-être la chose la plus importante à dire à propos de l’Eglise : elle est propriété du Seigneur ; il l’appelle, la forme et la conduit. Elle ne rassemble pas des dignitaires qui auraient satisfait aux exigences de leur recrutement et accédé à un statut de sainteté. Les saints sont ici ceux qui sont « déclarés saints » par le Christ, non en vertu de leurs qualités propres mais par le seul effet de la grâce de Dieu (voir aussi 1 Co 1.2).
De même, les bien-aimés ne sont pas ceux qui ont une bonne nature ; des gentils qui captent sans peine l’affection des autres. L’Eglise n’est pas un club où les gens se retrouvent par affinité, goût et intérêt. Les bien-aimés sont ceux qui sont aimés de Dieu et par voie de conséquence qui nous sont donnés à aimer.
L’Eglise n’est pas le lieu le plus tranquille à vivre qui soit ! C’est un lieu où couvent sans cesse les divisions, les conflits, les jalousies (17-18), un lieu unique et pur cependant que l’adversaire combat avec le plus grand acharnement (20). Promesse est faite ici que son action ne durera pas toujours (20).
Enfin, il y a toi et moi, mon frère, ma sœur, qui pourrions être ajoutés à cette liste sans autre qualité que d’être saints et bien-aimés du Seigneur. Et même si la vie d’Eglise n’est pas encore la vie du Royaume, elle en est le passage obligé, le laboratoire expérimental, parce que l’amour et la grâce de Dieu ont pour vocation à être partagés.
Que la grâce de notre Seigneur Jésus soit avec vous ! (20)