Lettre à Youssef, Ziad et Najila
Hors ses frontières, le Liban semble pris dans les éternels tourbillons de la géopolitique.
Mon Liban est le tien, Youssef, et celui de tes camarades, vous les joyeux enfants espiègles de la fourmillante banlieue de Bourj Hammoud, à l’écart des lumières de Beyrouth. Le refuge de toutes les minorités arméniennes, palestiniennes et syriennes aujourd’hui. Aux ruelles grouillantes d’humanité, aux saveurs de cardamome et aux notes de doudouk.
Hors ses frontières, le Liban vibre au moindre souffle annonciateur d’orage.
Mon Liban est celui de ta sérénité, Ziad, toi la druze au soir de ta vie. Au bout du couloir de ta maison des aînés de Hamlin, dans les montagnes maronites, tu pries en serrant contre ton tablier la photo de ton fils émigré, vendeur de falafels sur les marchés de Créteil.
Hors ses frontières, le Liban vit en permanence sur le fil du rasoir d’une histoire déchirée.
Mon Liban est celui de ton sourire tranquille, Najila, toi la jeune institutrice d’Ebel El Sagi. Tu fais classe chaque matin dans le no man’s land jouxtant les tonnes de barbelés dressés jusqu’au ciel étoilé, face à la Galilée israélienne.
Youssef, Ziad, Najila…vous êtes au nombre des plus déchirantes images de ce Dieu vivant que l’on essaye depuis trop longtemps d’effacer dans votre Orient où le sang coulé ne sèche jamais. Vous m’aidez à voir où est le vrai désastre et où est la grâce.
A vos côtés, je crois que la lumière se lèvera un matin tellement pure et vive au-dessus de l’étable de Bethléem, que l’Orient proche sera tiré de son coma, comme au jour de la sortie d’Egypte. Que les cœurs se mettront alors à aimer…
Albert Huber,
Président de l’Action Chrétienne en Orient
(article paru à Noël 2013 dans le journal La Croix)