“Mes yeux en brillent de joie !” (Méditation de Matthieu 17.1-9)

Après l’attente d’une transfiguration exprimée par le psalmiste, hier (« Regarde-moi et fais briller mes yeux » Psaume 13.4), voici aujourd’hui son accomplissement : « Son visage se mit à briller comme le soleil et ses vêtements devinrent blanc comme la lumière. » (Mat 17.2). Après le silence de Dieu (Psaume 13.2 : « Jusqu’à quand cacheras-tu ta face ?»), voici la voix de Dieu qui retentit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir, écoutez-le » (v.5), désignant pour la seconde fois Jésus comme Fils et Messie (voir aussi le baptême). C’est le récit de la transfiguration du Christ. La place de ce récit dans l’évangile est savamment étudiée : juste après la confession de Pierre (8.29), l’annonce de la Passion (8.31-32) et l’appel à devenir disciple (8.34-38).

Un air de déjà vu…

Les correspondances entre le don de la Loi à Moïse au Sinaï et le récit de la transfiguration des évangiles synoptiques sont bien trop nombreuses et trop précises pour être fortuites : la montagne (Ex 24, 1.12-13), les six jours (Ex 24.16), les trois personnes qui accompagnent (24.1.9), la nuée, la voix (24.15-17). De toute évidence, les évangiles présentent Jésus comme le nouveau Moïse.

Mais il y a plus. La montagne est un lieu stratégique chez Matthieu. Jésus y commence son ministère de prédicateur par le fameux sermon sur la montagne (Mat 5-7). C’est aussi sur une montagne que Jésus, en toute fin d’évangile, adressera à ses disciples le commandement d’évangéliser le monde.

Après l’espace, il y a le temps… Six jours après les  événements, (confession de Pierre, annonce de la passion et appel à suivre), Jésus monte sur la montagne et fait l’expérience de la transfiguration (métamorphose en grec). C’est le 7e jour… Dieu appela Moïse de la nuée pour lui révéler sa Loi (Ex 24.16). Ce même jour 7e, Dieu dévoile son Fils. Il n’est plus nécessaire de détourner les yeux au passage du Seigneur, il faut les ouvrir grand ! Le temps du « voir-Dieu-et-mourir » est terminé (Exode 33.20). Désormais, voir le Fils dans la plénitude de sa gloire sera signe de vie et de repos pour le pécheur et non plus de jugement.

En accrochant le récit de la transfiguration à l’annonce de la mort de Jésus en croix, Matthieu tente d’expliquer l’inexplicable. Nous touchons là au cœur et au mystère de son Evangile : Dieu se révèle dans la faiblesse. A visage découvert, Dieu accepte de mourir, par amour à la place de ceux qui meurent. L’Evangile est dit.

Le repos, comme remède à la peur

Pierre, Jacques et Jean ne peuvent contenir la peur. Ils restent dans la vieille logique du « voir-Dieu-et-mourir » d’Exode 33.20. Ils veulent dresser une tente comme pour contenir, saisir et fixer l’évènement – sans doute une façon de conjurer cette peur ; le rite tue la peur. Finalement, entendant la voix de Dieu, ils se prosternent, cachant leur visage et, ce faisant, se ferment à l’Evangile de la grâce et du repos.

Père et Fils bien-aimés pour nous

Il faut que Jésus les touche et leur parle (v.7). Après la vue, voici le toucher et l’audition (plus que l’ouïe !). Les sens principaux des disciples sont mis à contribution pour qu’enfin ils se déplacent et croient. En Jésus, Dieu se fait proche, très proche ; il se fait Compagnon et Ami. Et même si les heures sombres se profilent déjà à l’horizon de la route qui mène à Jérusalem, en cet instant de repos intense, du moins auront-ils entraperçu le visage du Dieu de Jésus-Christ. Il est Père d’un Fils bien-aimé, un Fils dont le regard resplendit comme le soleil (v.2), dont la main relève et la parole transforme (« écoutez-le » dit le Père au v.5 ; « N’ayez pas peur » répond le Fils au v.7).

En Christ, Dieu se fait Père bien-aimé. C’est l’Amour qu’il révèle aux hommes en ce jour lumineux, sur cette montagne. Dieu est Amour (1 Jean 4.16). En Jésus-Christ, il ne se donnera plus jamais d’autre nom. Mes yeux en brillent de joie !

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