J’aurais aimé… (une prière de Noël).
J’aurais aimé
Retourner dans le passé
Fouiller la vieille étable
Retrouver la mangeoire
sentir le foin, la paille,
L’odeur de la nuit
dans les rues blêmes de Bethléem
Un soir de lune, blanche et pleine.
J’aurais aimé
Dans la lumière étrange et belle
Entendre le chant des anges
Venus d’en haut
Et suivre les bergers
Sur les chemins de terre
Humer le parfum des bruyères
De la vigne et du figuier
Puis être saisi
Par les senteurs âcres et fortes
Des bêtes et du fumier
Dans l’écurie obscure.
J’aurais vu l’étoile
J’aurais marché avec les mages
L’or et l’encens entre mes mains
L’hommage à l’enfant
J’aurais vu le visage d’une maman
Qui n’en croit pas ses yeux
Et le cœur d’une maman
Qui hésite et qui doute
Qui se serre, qui se noue
Parce qu’elle pressent déjà,
Lisant en filigrane
Dans la trame du temps,
La venue d’un drame.
J’aurais aimé
Contempler les rides,
Les fronts plissés,
Les joues creusées
Sculptés par les années
Sur les visage d’Anne et de Siméon
.
J’aurais aimé avec eux
Déchiffrer l’histoire
Vivre l’accomplissement de la longue attente
Écrite en silence.
J’aurais aimé goûter la joie
J’aurais aimé toucher
Sentir, palper,
Et tenir dans mes mains
L’enfant nouveau-né…
Mais il ne reste rien…
Il ne reste rien que le vent n’ait emporté
Ni stèle dressée tombée du ciel
Ni mot gravé dans la pierre
Pour saisir et fixer l’insaisissable.
Et lui-même
L’enfant de Bethléem
L’enfant de Nazareth
Le promeneur inlassable
Le marcheur de Dieu
N’a pas écrit mot
ailleurs que sur le sable,
Quelques mots vite effacés
Par la colère et la haine.
Lui-même n’a rien laissé d’autre
Que des paroles et des gestes
dans nos fragiles mémoires.
Et pourtant c’est à eux
Hommes et femmes
Qu’il a confié son secret
Présence subtile et légère
Murmure et joie de Dieu.
Non ! Le granit et le marbre
Ne sont pas aptes
à conserver la vie,
La donner et la transmettre.
Ni l’or, ni l’argent
Pour parler du vivant.
J’aurais aimé…
Mais il ne reste rien.
Il a barré la route
À l’impossible retour
Vers la nostalgie et le passé.
C’est ici et maintenant
Que je dois le trouver
Dans le silence de mes nuits
Dans la brume de l’ennui
Dans la main d’un ami
Dans les rires et les pleurs
Dans les regards de tendresse
Dans le secret d’un amour
Dans le lumignon qui brille encore,
Dans la Parole vivante et partagée
Dans la foi toujours reçue, toujours demandée,
Dans l’espérance renouvelée en la promesse de Celui qui est, qui était, qui vient.