Le dernier des croyants (méditation du Psaume 16)

Le mercredi soir, la liturgie des sœurs de Pomeyrol chante ce verset 11 du psaume 16 : « Devant ta face, plénitude de joie ». Comme un réflexe pavlovien, la musique s’attachant aux paroles, se fait soudain douce oraison. La prière a besoin de guide… Ce psaume 16 ouvre un chemin de vie et de prière pour le psalmiste. De ses lèvres monte l’un des plus beaux cantiques de confiance et de paix qui n’ai jamais été chanté. Il prend naissance dans la confession de Dieu comme seul Seigneur et refuge (1-2) ; confession par laquelle les idoles perdent la face et le pouvoir sur nos vies (3-4) ; ce recentrement achevé, un nouveau matin de joie et l’espérance se lève comme un soleil sur la vie du fidèle et sur sa mort. Et si l’homme du psaume 16 était le dernier des croyants ?

Idoles, quel statut ?

Premièrement, le culte des idoles a ceci de particulier qu’il est toujours pluriel (v.4). On n’adore jamais une idole mais beaucoup. Les idolâtres sont gens prudents. Deux dieux valent mieux qu’un ; mille sécurités valent mieux que cent. En réalité, le mécanisme de l’idolâtrie, une fois enclenché, ne s’arrête jamais. Mammon est un maître « nombreux » et exigeant.

Ensuite, ce qui fait la force et la perversité de l’idole, c’est que, quoique revêtant une image de réalité, elle se situe toujours au-delà, insaisissable, dissimulée ; elle n’est qu’en trompe l’œil, illusion de réalité. On lui taille des statues ridicules mais son statut véritable est bien plus subtil.

Je pourrais vous citer le classique du panthéon idolâtre, exposé en trois points dans tous les « bons » sermons moralisateurs : « Argent, sexe et pouvoir », et décliné selon l’inspiration du jour et les suggestions du Chef-Actu, dans le foot, la pornographie, la télévision et les scandales financiers. L’idole ainsi nommée, contournée, rassure.

Le jeu des regards

Renée Girard, en expliquant le mécanisme de la violence comme phénomène de désir mimétique nous met sur la voie (Cf. La violence et le sacré). Un objet en lui-même suscite peu de désir. Mais qu’il advienne quelqu’un qui lui accorde de l’importance et mon désir s’enflamme aussitôt (« On leur court après » Psaume 16v.4b).  L’apôtre Paul, déjà, dénonçait la nullité des idoles (1 Co 8). Elles n’ont de réalité et de pouvoir que dans le regard que je fixe sur elles. La finance, le foot, le sexe ou que sais-je ? Tout cela est bel et bon ! Tout dépend de l’usage que j’en fais. Ce ne sont pas les statues des Baals qu’il faut démolir à la masse, mais la nature des désirs qui nous portent vers elles. Ce combat intérieur est autrement plus complexe et douloureux. L’idole, c’est nous avec nos fantasmes de réussite, de maîtrise et nos représentations égocentrées du plaisir.

« Devant ta face, plénitude joie » (11)

C’est de ce combat contre lui-même dont l’homme du psaume sort victorieux. Cette victoire me paraît tellement hors de portée, tellement magnifique… C’est pourquoi je l’appelle le dernier des croyants. Professant son appartenance au Dieu du salut, il s’affranchit totalement (v.4c), joyeusement du pouvoir ravageur de ses désirs. Il devient un homme libre, de jour comme de nuit… (v.7). Sa joie filiale est débordante. Elle inonde maintenant le shéol (v.9-10) qui ne sait plus où il en est ! Connaître Dieu, c’est vivre ; vivre comme Christ a vécu. Il est, par sa vie, sa foi et sa liberté, les délices éternelles postées à la droite de Dieu (11).

C’est ma prière

« Seigneur, j’ai tant de fois déposé les armes devant la puissance de mes désirs. J’ai tant de fois perdu le chemin qui mène à toi. Mais parce que tu as chargé Jésus de tous mes échecs, de toutes mes lâchetés, je peux encore m’approcher de toi, libre, lavé et revêtu de ta grâce. Garde-moi mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. Tu es mon Seigneur. Je n’ai pas de plus grand bonheur que toi. »

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