« Le temps favorable , c’est maintenant !» (Méditation Jean 7.1-26)
Au fur et à mesure qu’il enseigne, Jésus voit son fan-club se réduire à peau de chagrin. Le chapitre précédent s’achevait sur ce triste constat : « Dès lors beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de faire route avec lui » (6.66). C’est maintenant aux frères de Jésus de jouer les arrogants incrédules. Ils veulent pousser Jésus sous les feux de la rampe : qu’il fasse son coming out messianique ! La fête des tentes en offre l’occasion rêvée. Huit jours de réjouissances à Jérusalem autour des vendanges, symbole de la bénédiction du Dieu sauveur, temps d’attente de la délivrance, fête messianique par excellence ! Immense déception : Jésus annule sa participation au grand festival religieux…Ce temps de fête serait-il le dur révélateur de sa défaite messianique ?
Des mondes parallèles…
A la lecture de ce chapitre, on a le sentiment très déplaisant, presque oppressant, que personne ne comprend personne. Les frères de Jésus, très préoccupés par sa carrière messianique, le pressent sèchement : « On n’agit pas en cachette quand on veut s’affirmer (autrement dit : va te faire voir en Judée !) » (3-4). Jésus répond en opposant deux temps, deux logiques… Le temps du monde et le temps de Dieu (6-8).
Gloire et faiblesse
Chez Jean, la révélation du secret de l’Evangile se traduit de façon très différente de celle des évangiles synoptiques. Matthieu, Marc et Luc adoptent une attitude « réservée » vis-à-vis de la gloire divine de Jésus. Ils dévoilent le secret messianique avec prudence, de façon chronologique, soucieux d’écarter les malentendus. Pour Marc, plus encore que Luc et Matthieu, toute la gloire du Christ est manifestée à la croix. Chez Jean, gloire et faiblesse du Christ avancent ensemble. D’emblée, le prologue prévient : « nous avons contemplé sa gloire » (1.14). Mais qu’ont-ils donc vu ? Que la gloire se manifestait là où on ne l’attendait pas, dans l’abaissement, le renoncement à la force et l’expression d’une parole véritable (28-30).
Nous n’avons pas les mêmes valeurs !
Mais tous ne voient pas. Les frères de Jésus sont comme des aveugles confondant l’obscurité de leur perception avec la réalité. Ils pensent savoir ce qu’est la vie et la mort, la réussite et l’échec, la grandeur et l’abaissement. Jésus, lumière du monde, inaugure un temps nouveau : le temps où les valeurs communes, les échelles de mesures ordinaires sont renversées. Le temps où gagner, c’est perdre, et vivre, mourir.
Le temps de Dieu vient donner sens au nôtre. Malgré les apparences, l’histoire du monde n’est pas une folle succession d’événements incohérents, elle conduit à Dieu. Elle débouche sur un monde glorieux. Mais le chemin qui conduit au Père ne se découvre qu’avec les yeux de la foi, dans l’écoute du Fils (16).
J’y vais ou j’y vais pas ?
« Je n’irai pas à (votre) fête, mon temps n’est pas encore accompli. » (8). Le temps du Christ, n’est pas celui des hommes. S’il partage notre condition humaine, il ne s’égare pas sur l’autoroute des fausses évidences. Il n’ira pas à la fête. Les rendez-vous des hommes ne sont pas toujours ceux de Dieu.
Chose étonnante, il choisit d’y aller quand même… « Il se met en route, sans se faire voir et presque secrètement. » (10).
Dieu ne boude pas les hommes. S’il ne partage pas leur vision d’une « gloire paillette », il ne peut cependant se résoudre à les abandonner à leur dramatique aveuglement. Il vient en secret. Il monte à Jérusalem qui se prépare à lui faire sa fête ! Il se heurtera à l’hostilité des bien-pensants mais il suscitera aussi étonnement et admiration chez quelques-uns (12 et 26).
Le temps favorable, c’est maintenant !
« Votre temps à vous est toujours le temps favorable ! » (6) Cette parole, critique dans sa première intention, est également chargée d’une vive espérance. Elle dit qu’au plus profond de nos égarements (souvent festifs !), Jésus nous rejoint en secret, à temps et à contre-temps et nous enseigne son Évangile. Reconnaîtrons-nous en lui un simple homme de bien (12) ou l’envoyé du Père (16) ? Peu importe, pourvu que nous nous mettions en chemin ! Le Saint-Esprit fera le reste.
L’Évangile révèle toujours la vérité de nos vies : la fête ou la défaite. Dans quel temps voulons-nous exister ?