La justification par la QUOI ?!!

Le chapitre 3 de l’épître aux Romains, après un long et sinueux plaidoyer pour affirmer que le péché est universel (v.9) et qu’il n’existe aucun moyen de parvenir à la cheville d’un début de justice personnelle, dévoile ici le cœur de toute l’épître. La Loi, comme système pour s’élever vers la justice, nous accable (v.19). La justification de tous s’obtient par la foi en Jésus-Christ (v.22). Il reste à percer ce mystère… La foi deviendrait-elle un nouvel objet d’échange contre la justification ?

La foi qui sauve
Par la foi, oui par la foi, Nous marcherons, nous marcherons !!

« J’ai un vélo, j’ai un travail, j’ai… la foi »

Qu’est-ce que croire ? La foi serait-elle le résultat d’une enquête minutieuse, objective ? Le fruit d’une recherche approfondie des textes bibliques, d’une expertise convaincante de Jésus ? Ou serait-elle au contraire un acte introspectif, irrationnel, ésotérique, coupé de toute réalité intelligible ? Quelqu’un dira : « J’ai la foi », comme s’il possédait quelque chose ; un peu comme le juif dit : « J’ai la Loi ». Le chrétien serait ainsi le détenteur d’un bien immatériel, spirituel, dont il pourrait témoigner : la foi.

La foi, toutes voiles dehors !

Jeune homme, répondant à tous les appels à la conversion que je pouvais entendre, je désirais la foi plus que tout. Certains de mes accompagnateurs, dans des termes très psychologisants (« ouvre ton cœur, laisse-toi remplir, abandonne-toi, laisse l’Esprit se déverser », etc.), me proposaient mille chemins initiatiques pour qu’enfin la foi fut acquise. Je n’y parvins jamais.

Une seule question vint bouleverser ma vie, celle-ci : « Connais-tu Jésus-Christ ? ». Je me sentais soudain déplacé sur un terrain beaucoup plus passionnant. Loin des introspections stériles et culpabilisantes, la question me projetait sur le terrain de la rencontre. La foi n’était plus au bout d’un travail sur soi mais dans un déplacement hors de soi. Un peu comme l’aveugle de Jean 9 à qui Jésus demande : « Crois-tu au Fils de l’homme ? », je répondis : « Qui est-il Seigneur, pour que je croie en lui ? » (Jean 9.36).

Je ne sais qui a écrit cette magnifique confession, mais je l’ai faite mienne depuis ce jour : « Je ne sais pas si je crois, mais je sais en qui je crois ». La foi comme relation et non plus comme expérience mystique, voilà ce qui m’a convaincu. L’apôtre Paul lui aussi nous renvoie à la foi EN Jésus-Christ, à cette rencontre décisive, passerelle vers la justification (synonyme de salut).

Démonstration par l’absurde

Mais à ce compte-là, pourquoi y aurait-il encore besoin de la foi ? Il suffirait de lire les évangiles, d’y souscrire et de conclure à la seigneurie de Jésus-Christ.

C’est ici, précisément, que la foi intervient. Objectivement, ce que nous racontent les évangiles à propos de ce sauveur est lamentable. Un homme contesté, assez peu suivi et finalement crucifié comme un vulgaire condamné de droit commun. Cette réalité est consternante parce que, venant de Dieu, on aurait pu s’attendre à un salut renversant, indiscutable. Or, il n’y a que la croix. Et si Luther a pu écrire : « La croix prouve tout », c’est bien au travers d’un acte de foi. La raison, face à l’affligeant spectacle du Christ en croix, démissionne, seule la foi vient éclairer l’événement.

Maintenant, écrit Paul, la justice de Dieu a été manifestée par la foi en Jésus-Christ (v.21). Il n’y a pas un avant (la Loi) et un après (la foi), il y a un maintenant, celui de la rencontre personnelle avec le Christ crucifié.

Un « acte » de foi ? L’expression semble nous faire retomber dans le travers dénoncé à l’instant. Personne n’est justifié par les œuvres de la Loi (v.20). L’acte de foi, ne peut donc être ici une œuvre humaine. Il ne reste plus qu’une solution : l’acte de foi représente le pas de l’un vers l’autre ; le don de Dieu pour nous (1 Jean 4.19).

Au cas où l’on se méprendrait sur cette foi (acte-don de Dieu), Paul s’empresse de préciser : tous sont gratuitement justifiés par… la grâce de Dieu, en vertu de la délivrance accomplie en Jésus-Christ (v.24). Dans le mécanisme de la justification, c’est la grâce seule qui est à l’œuvre. Mais comme dans toute relation d’amour, nous ne sommes pas seulement rencontrés par le Christ. Nous devenons pleinement acteur du maintenant de la rencontre.

Image et réalité

Comprenons bien la pensée de Paul. Reprenant l’image et le langage du sacrifice dans l’AT, il compare tour à tour le Christ à la victime, au sang et au coffre de l’Alliance (le terme « expiation » au v.25 désigne le couvercle de l’arche de l’Alliance sur lequel le prêtre répandait le sang des sacrifices) ; dans l’épître aux Hébreux, il sera le grand-prêtre ; dans l’évangile de Jean, le temple. Toutes ces comparaisons aident à représenter le mystère du salut, mais ne sont pas le salut. Le langage sacrificiel est ici une aide pédagogique pour les juifs mais il n’est pas la réalité.

Tu veux une preuve ?

L’unique vérité, c’est la justification du pécheur par le Christ, offrant par amour sa vie pour nous. La joie que suscite au fond de mon cœur cette vérité est la seule preuve que je possède ! Elle ne convaincra personne (quoique ?) mais elle me fait vivre.

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