Le prix du sang, c’est combien ? (Méditation de Matthieu 27.1-30)
Balal
Cette semaine en Iran, Balal a échappé à la pendaison in extremis. Il avait tué d’un coup de couteau Samereh au cours d’une bagarre entre jeunes. La loi islamique précise qu’un condamné à mort peut être gracié à condition que le parent de la victime lui accorde son pardon. C’est ce qu’a fait la maman de Samereh. Elle est montée sur la potence dressée sur la place publique et lui a enlevé la corde qui était serrée à son cou. Elle lui a administré la gifle prévue par le protocole et lui a sauvé la vie. Balal est sauf, il devra s’acquitter envers la famille de 50 000 $, le prix du sang selon le tarif en vigueur cette année…
Judas et les prêtres
Le prix du sang a rapporté à Juda trente pièces d’argent (Mat 26.15 ; environ 2000 dollars). Quand il veut rendre cette somme au temple réalisant la gravité de son acte, on lui oppose que cette somme est korban, c’est à dire offrande sacrée et qu’elle ne peut plus être reversée. Judas ne survivra pas à la culpabilité engendrée par son acte (j’ai péché en livrant un sang innocent ; v.4). Il se tourne vers les chefs religieux, lesquels, cyniques et hypocrites, le laissent seul face à lui-même. Judas jette l’argent indigne et s’applique à lui-même la loi du talion : « Œil pour œil, dent pour dent, vie pour vie » et il se pend. Marie n’est pas venue le gifler ni lui réclamer, comme la maman de Samereh, le prix du sang de son fils Jésus.
Mais quel est le prix exact du sang versé par Jésus ? C’est la question qui est au centre de ce chapitre 27 de Matthieu.
Pilate et le peuple juif
Un peu plus loin dans le chapitre, Jésus est présenté à Pilate. Celui-ci, ne comprenant pas grand-chose aux affaires des Juifs, essaie de ramener la foule à la raison. Rien n’y fait. Après plusieurs tentatives, c’est toujours le même refrain : « Crucifie-le ! ». En désespoir de cause, Pilate se lave les mains de cette affaire déclarant : « Je suis innocent de ce sang. C’est votre affaire ! » (v.24)
Le peuple s’engage alors par une parole qui glace le sang : « Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants. » (v.26) Très longtemps et très injustement, cette parole a été retournée contre le peuple Juif pour l’accuser de déicide et justifier dans la même logique tous les drames que ce peuple aurait à subir au long de son histoire. Une sorte de fatalité comme prix du sang…
Le juste prix
Matthieu propose ici une toute autre lecture de l’histoire. Jésus, au cours du dernier repas, juste avant d’entrer sur son chemin de souffrance, donnera lui-même avec une précision extraordinaire le prix du sang qu’il s’apprête à verser. Leur donnant la coupe, il leur dit : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, versé pour la multitude, pour le pardon des péchés. » (Mat 26.28). Cela signifie que personne n’aura jamais à payer pour ce sang répandu ; qu’aucune malédiction ne poursuivra jamais aucun peuple, aucun individu, aucun Judas ! C’est le sang du pardon qui a coulé pour tous. Ce sang versé n’est pas un signe de jugement ou de grâce sous condition, comme pour Balal. Il est le signe de la grâce offerte à tous, sans condition.
Pour Matthieu, ce sang est non seulement versé pour la multitude qui réclame la mort de l’innocent, mais au-delà, pour toutes les nations du monde représentées dans le récit par Pilate. Il cessera bien un jour de se laver les mains pour les ouvrir simplement à la grâce qui coule de la croix pour lui comme pour les autres.
Et nous ?
Balal l’Iranien a été gracié de justesse. Judas et la multitude se sont tristement placés sous la coupe de leur propre jugement alors que Christ se donnait pour eux. Qu’en sera-t-il pour nous ce soir ?
Resterons-nous enfermés encore longtemps dans nos culpabilités, nos peurs, nos fatalismes ? N’entendons-nous pas le Seigneur nous dire ce soir que tout a été payé, que le prix de son sang rachète le prix de notre dette, qu’il n’y a plus qu’à ouvrir nos cœurs et recevoir avec des larmes de joie cette Bonne Nouvelle du salut ?