« Quelques gouttes suffisent » (Méditation d’Esaïe 26.16-19)
« Que tes morts revivent, que mes cadavres se relèvent!
Réveillez-vous et poussez-des cris de joie vous qui demeurez dans la poussière !
Car ta rosée est une rosée de lumière et la terre redonnera le jour aux ombres. » (26.19)
Pas de résurrection ?
Ce chapitre 26 du livre d’Esaïe est d’une très grande valeur théologique. C’est la première affirmation nette de la foi d’Israël en la résurrection des morts.
L’Ancien Testament ne développe pas de théologie de la résurrection. Pour le croyant d’Israël, « Le vivant, le vivant, c’est celui-là qui te loue !» (Esaïe 38.19). L’AT comprend quelques allusions à la résurrection des morts mais elles sont discrètes et font surtout référence à une résurrection symbolique, c’est-à-dire à une restauration politique de l’Etat d’Israël. Ainsi doit-on interpréter la vision des ossements desséchés d’Ezéchiel 37. Il ne s’agit pas de résurrection personnelle mais bien de la restauration politique.
Un bug dans le système
Avec ce verset 19 d’Esaïe 26 quelque chose de nouveau surgit. On est sur un point de basculement. Les morts ressusciteront à l’appel de Dieu.
Observons de près le contraste établi entre les versets 14 et 19 : ils s’opposent en tout mot à mot.
Verset 14 : les morts ne revivent pas. Tout disparaît jusqu’à leur souvenir. Verset 19 : tes morts revivront, tes cadavres ressusciteront. La joie au lieu de l’oubli.
Par cette opposition, Esaïe veut mettre en évidence un problème révoltant : en Israël, la réalité dément la foi et ses promesses ! Comment ceux qui ont placé leur confiance en Dieu pourraient-ils disparaître? Comment se peut-il que la louange et le souvenir même de ceux qui ont aimé le Seigneur tombent à jamais dans l’oubli? Comment le Seigneur de la vie peut-il abandonner à la mort ses propres fidèles ?
Il y a là une contradiction insupportable. Il n’est pas possible que Dieu abandonne au séjour des morts ceux qui ont placé leur confiance en lui.
Naissance d’une espérance
Cette conviction s’est peu à peu ancrée dans la foi d’Israël pour devenir de plus en plus forte. On trouve dans le livre du prophète Daniel : « Beaucoup de ceux qui dorment dans le sol poussiéreux se réveilleront. Ceux-ci pour la vie éternelle, ceux-là pour l’opprobre, l’horreur éternelle » (Dan 12.2). La formulation donne à penser qu’il s’agit ici de la promesse d’une résurrection individuelle et non plus symbolique ou nationale.
Du temps de Jésus, la foi en la résurrection des morts, même si elle faisait débat, était admise par la plupart des juifs dans le sillage du parti des Pharisiens, très militants pour ce dogme. Le parti des Sadducéens, au contraire, refusait de croire en la résurrection des morts (voir Mat 22.23).
Dans ce verset 19, Esaïe utilise le pronom possessif “TES morts ressusciteront”, en contraste avec l’article défini « LES morts ne revivent pas » du verset 14. Il ne peut s’agir ici que de la résurrection de ceux qui sont morts dans la foi en Dieu et non de ceux qui appartiennent juridiquement au peuple d’Israël. Esaïe 26.19 apparaît donc comme la première confession de foi en la résurrection personnelle des croyants.
Ta rosée est une rosée de lumière
Nous trouvons ensuite cette merveilleuse expression : “Ta rosée est une rosée de lumière”
Quand les mots ordinaires ne suffisent plus à traduire les hautes vérités spirituelles, le prophète a recours au langage poétique. La poésie permet d’exprimer l’inexprimable : La mort n’aura pas le dernier mot, la vie triomphera ! Comment le dire ?
La rosée et la lumière sont des symboles de la vie et du pouvoir vivifiant. Dieu lui-même se compare à la rosée. « Je serai pour Israël comme la rosée » (Osée 14.6)
Dans des régions comme le Liban et Israël où la pluie ne tombe pas en quantité suffisante, la rosée matinale est la seule source d’hydratation quotidienne de la terre, l’unique facteur vivifiant. Tel est le Seigneur pour les hommes, il est comme la rosée du matin.
Dans la lumière du petit matin de Pâques, la terre poussiéreuse d’un cimetière a été irriguée. La puissance de vie a soulevé la pierre du tombeau, relâchant pour la première fois une prise : le Seigneur Jésus-Christ !
N’est-il pas promis qu’un jour « les cris de joie retentiront quand, au son de la trompette les morts en Christ ressusciteront ? » (1 Thess 4.16)
Nous qui nous tenons aujourd’hui du côté des vivants, nous sommes appelés à nous unir par la foi au Christ, premier-né d’entre les morts. Il est notre rosée de lumière.
Gouttes d’espérance
Quand la vie semble dure,
Quand notre souffrance est comparable la souffrance d’une femme qui accouche mais sans connaître le bonheur de la délivrance ni la joie de mettre au monde son enfant (v.17 : « comme si nous avions enfanté du vent… »),
Quand la vie prend certains jours le dur visage de la mort elle-même,
Quelques petites gouttes d’espérance suffisent alors pour rafraîchir la foi dans l’attente de la pleine lumière de la résurrection.
« Mettez votre confiance dans le Seigneur pour toujours car c’est dans le Seigneur qu’est le rocher de tous les temps! (v.4)
Réveillez-vous ! Criez de joie, vous qui êtes déjà vivants de la vie de Dieu! » (v.19).