Es-tu celui qui doit venir ?

Lecture biblique : Matthieu 11, vv 2 à 11

1Lorsque Jésus eut achevé de donner ces instructions à ses douze disciples, il partit de là pour enseigner et proclamer dans les villes de la région.

2 Jean le baptiste, dans sa prison, entendit parler des œuvres du Christ. Il envoya ses disciples

3demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »

4Jésus leur répondit : « Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez :

5les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés de leur lèpre, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres.

6Heureux celui qui n’abandonnera pas la foi à cause de moi ! »

7Après le départ des disciples de Jean, Jésus se mit à parler de celui-ci à la foule en disant : « Qu’êtes-vous allés voir au désert ? un roseau agité par le vent ?

8Alors qu’êtes-vous allés voir ? un homme vêtu d’habits magnifiques ? Mais les personnes qui portent des habits magnifiques se trouvent dans les palais des rois.

9Qu’êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, vous dis-je, et même bien plus qu’un prophète.

10Car Jean est celui dont l’Écriture déclare : “Voici que j’envoie mon messager devant toi, pour t’ouvrir le chemin.”

11Je vous le déclare, c’est la vérité : parmi les humains, il n’a jamais existé personne de plus grand que Jean le baptiste ; pourtant, celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui.

 Prédication

Jean-Baptiste a dit : « celui qui vient après moi est plus puissant que moi, lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu », le voilà qui demande quelques temps plus tard : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

Que s’est-il passé entre temps ?

Cette question est tout à fait d’actualité lorsque Matthieu écrit son évangile dans les années 70 après JC. La question de la réalité de la messianité de Jésus se posait. Elle bat son plein et se traduit alors en division consommée au sein du judaïsme, entre la synagogue et l’Eglise naissante.

Mais pourquoi Jean-Baptiste se pose-t-il cette question ? N’est-il pas, par nature même, voué au Christ ? Jean-Baptiste est fidèle à un ordre ancien ; il attend une manifestation de puissance, Et que voyons-nous chrétiens de l’an 2021 ?

Notre foi est-elle sans failles, sans doutes ? Osons-nous témoigner autour de nous que le Messie est venu ? N’attendons-nous pas autre chose ?  Un nouveau retour, le fameux retour glorieux de Jésus-Christ, mais alors, cette fois sans crèche, sans croix. Un miracle visible et définitif.

Mais ce que ne cesse de répéter Jésus, c’est que le changement attendu doit se produire en nous, et pas autour de nous ; c’est que l’injustice ne peut être surmontée par les armes de l’injustice ; que la toute-puissance, et la gloire de Dieu, résident dans son amour, l’amour qui réplique à la violence par le don de soi, l’amour qui ne se compromet pas avec l’ordre de la domination, l’amour qui oppose à l’injustice l’espérance.

Celui qui ne s’attache pas à ce qu’il possède, mais à ce qu’il donne, celui-là possède le bien véritable, celui-là est libre, que peut-on exiger de celui qui donne tout ? Ceci est l’ordre de l’amour, l’appel du Christ, l’ordre de la guérison, de la connaissance véritable, l’ordre du changement, l’ordre de la conversion, de la crainte à l’espérance. Le Royaume des cieux n’est pas un ailleurs radical qui tomberait du ciel, c’est une conversion de tous les jours, ici et maintenant ; la venue du règne des cieux se produit chaque jour, dans chaque geste d’amour, dans chaque prière d’espérance, malgré l’évidence.

Le doute de Jean-Baptiste est un encouragement pour nous ; il n’est pas infaillible, pas plus que nous le sommes. Le doute de Jean-Baptiste nous dit que la foi dans le règne des cieux n’est pas une décision qui va de soi, car l’épreuve est forte, et persiste sans relâche ; l’amour exige la patience, la persévérance. Mais c’est dans l’épreuve du monde que s’exprime la véritable dignité, la vocation à l’amour et la liberté, comme cela a été manifesté par le Christ crucifié et ressuscité. Dans l’épreuve, le risque et le doute, c’est la liberté qui se constitue, dans l’amour, dans l’Esprit Saint.

Jean-Baptiste, dit Jésus, est le plus grand de ceux qui sont nés d’une femme ; le plus grand dans l’ordre ancien, l’ordre de la servitude, lorsque se pensaient irrémédiablement indignes de Dieu, tout justes bons à recevoir la colère, ou un miracle. Mais Dieu lui-même est venu naître d’une femme, pour révéler que nous participons avec lui d’une même histoire, l’œuvre éternelle de l’amour ; l’homme n’est pas condamné à mort parce qu’il est né d’une femme, mais appelé à l’éternité parce qu’il est frère du Christ dans l’œuvre de l’amour. Cela s’appelle l’Evangile ; le plus petit de ceux qui acceptent le Christ, est plus grand que le meilleur de ceux qui se résignent à la mort.

Ce n’est pas, ce ne peut être simple à croire ; il est plus facile de buter, de chuter sur cet Evangile, que de le recevoir ; sommes-nous nés d’une femme mortelle, ou enfants de l’amour éternel de Dieu ? Sommes-nous héritiers d’une fatalité, ou appelés à la liberté ? Sommes-nous résignés à cause du monde, ou espérons-nous malgré le monde ?

Comme Jean-Baptiste, il nous est bien difficile de comprendre, et d’accepter que la puissance et la gloire de Dieu se révèlent et se manifestent dans notre faiblesse, dans notre souffrance, afin que le salut de Dieu soit vraiment notre salut.

La question de Jean-Baptiste est la nôtre ; elle n’est pas indigne ni honteuse, cette question elle est nécessaire ; il est bon de la poser, chaque jour, pour renouveler notre décision.

Le monde a besoin de décision et de nouveauté.

Brice Deymié

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