“Le juste vit de la foi”
Dimanche de la Réformation
Fête de la Réformation
Le texte biblique qui servira de support à ce culte est celui de l’épître aux Romains, chapitre 3, 21 à 31:
21Mais maintenant, Dieu nous a montré comment il nous rend justes devant lui, et cela sans l’intervention de la Loi. Les livres de la Loi et des Prophètes l’attestent. 22Dieu déclare les êtres humains justes par la foi et la fidélité de Jésus Christ, il le fait pour tous ceux qui mettent leur foi en lui. Car il n’y a pas de différence entre eux : 23tous ont péché et sont privés de la présence glorieuse de Dieu. 24Mais Dieu, par sa grâce, les rend justes, gratuitement, par Jésus Christ qui les délivre de leur esclavage. 25-26Dieu a offert Jésus Christ comme un sacrifice pour le pardon des péchés : par sa fidélité qui est allée jusqu’à verser son sang, le Christ a manifesté que Dieu est toujours juste. Il l’était autrefois quand il a patienté et laissé impunis les péchés des humains ; il l’est dans le temps présent, car il veut à la fois être juste et rendre justes tous ceux qui croient grâce à la fidélité de Jésus. 27– Y a-t-il donc encore une raison de nous enorgueillir ? – Non, aucune ! – Au nom de quoi disons-nous ceci ? D’une loi à laquelle il faut obéir ? – Non, par une loi qui invite à la foi ! 28Nous estimons, en effet, qu’un être humain est reconnu juste par la foi et non parce qu’il obéirait à la Loi. 29– Ou sinon, Dieu serait-il seulement le Dieu des Juifs ? N’est-il pas aussi le Dieu des autres peuples ? – Bien sûr, il est aussi le Dieu des autres peuples, 30puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu ! Et Dieu rendra justes les Juifs en raison de la foi et ceux qui ne sont pas Juifs également par la foi. 31– Cela signifie-t-il qu’en raison de la foi nous enlevons toute valeur à la Loi ? – Bien au contraire, nous lui donnons sa vraie valeur !
Aujourd’hui nous fêtons le protestantisme ou tout du moins nous célébrons l’acte premier de ce qui deviendra la Réforme, c’est-à-dire quand le moine Martin Luther a placardé sur les portes de l’Eglise de Wittemberg (Saxe) 95 thèses contre les indulgences papales. Ce qui provoque la colère de Luther, c’est la campagne de vente d’indulgences organisée par l’Eglise catholique romaine qui avait besoin d’argent pour construire la basilique de Rome. Pour ce faire, elle vendait au peuple des indulgences, c’est-à-dire des bouts de papier qui avaient pouvoir d’abréger le temps de purgatoire à ceux qui les achetaient. Pour Luther ce n’était pas une bonne manière de répondre à la question de l’angoisse du salut. La question de l’après-vie se posait évidemment de manière beaucoup plus dramatique dans cette Europe du XVIème siècle, qu’aujourd’hui. L’espérance de vie était en moyenne de 25 ans à la naissance, ce qui rendait crucial, l’interrogation sur l’après-vie.
Luther est un moine de l’Ordre des Ermites de St Augustin et en 1515/1516, il prépare un cours sur l’Epître aux Romains de Paul. Luther est angoissé par la question du salut et tout d’abord par son propre salut. Luther écrit : « Je haïssais ce terme de justice de Dieu que j’avais appris, selon l’usage et la coutume de tous les docteurs, à comprendre philosophiquement comme la justice formelle et active, par laquelle Dieu est juste, et punit les pécheurs et les injustes ». Luther continue en disant que lui, comme moine, il avait conscience d’être pêcheur même s’il avait l’impression de vivre de façon irréprochable. Il écrit : « Je haïssais d’autant plus le Dieu juste qui punit les pécheurs et je m’indignais contre ce Dieu, nourrissant secrètement sinon un blasphème, du moins un violent murmure ».
Luther associe deux versets de l’épître aux Romains d’une part celui qui dit : « la justice de Dieu est révélée en lui (l’Evangile) » (Romains 1,17) et celui-ci : « Le juste vit de la foi »(3,28). « Alors, écrit-il, je commençai à comprendre que la justice de Dieu est celle par laquelle le juste vit du don de Dieu, à savoir la foi et que la signification était celle-ci : Par l’Evangile est révélée la justice de Dieu, à savoir la justice passive, par laquelle le Dieu miséricordieux nous justifie par la foi, selon qu’il est écrit : le juste vit de la foi. Alors je me sentis un homme né de nouveau et entré, les portes grandes ouvertes, dans le paradis même. »
Ainsi l’œuvre de Dieu, c’est ce que Dieu opère en nous, la puissance de Dieu, celle par laquelle il nous rend capables, la sagesse de Dieu, celle par laquelle il nous rend sages, la force de Dieu, le salut de Dieu, la gloire de Dieu.
Luther découvre que le terme de « justice de Dieu » employé par l’apôtre Paul, ce n’est pas la justice qui condamne mais celle qui justifie l’homme, c’est-à-dire celle qui lui donne sa place dans le monde. Luther comprend qu’avant il ne parvenait pas à distinguer la Loi de l’Evangile. L’Evangile est une promesse, c’est un don catégorique. L’Evangile se distingue de la Loi en ce que celle-ci pose des exigences et nous convainc du péché, la Loi est bonne mais nous ne pouvons l’accomplir qu’imparfaitement. La théologie de Luther va donc constituer à distinguer Loi et Evangile.
Dieu par sa parole, vient au-devant des hommes en ce monde, de sorte qu’ils peuvent croire et agir librement grâce à l’amour reçu.
En 1520, Luther écrira un texte fondamental pour l’avenir de la pensée de la Réforme : « De la liberté du chrétien ». « Il convient de noter ici avec zèle et de toujours se souvenir avec sérieux que c’est la foi qui, seule et sans le concours d’aucune œuvre donne la justice, la liberté et le salut. » Dans sa distinction entre Loi et Evangile, Luther fait remarquer que la loi prescrit toutes sortes de bonnes œuvres mais ne nous donne jamais la force de l’accomplir. La loi amène l’homme à voir son incapacité à faire le bien. La foi qui justifie n’est pas quelques qualités de l’homme qui s’ajouterait dans un deuxième temps. Pour Luther c’est fondamentalement une donnée anthropologique.
La foi est tout et elle n’a pas besoin d’être complétée par la charité et l’espérance, parce qu’elle est déjà, en soi, charité et espérance. Il considère que cette confiance et cette foi engendrent l’amour et l’espérance. Luther écrit : «Je ne pourrais avoir confiance en Dieu si je ne pensais pas qu’il veut m’être favorable et clément, ce qui me porte à mon tour vers lui et me dispose à avoir, du fond du cœur, confiance en lui et attendre tout bien de lui. »
Tout le travail de Luther et qui a déclenché la Réforme protestante c’est d’avoir inversé le rapport de Dieu à l’homme. Dans la théologie catholique romaine, l’Eglise est médiatrice entre l’homme et Dieu, le geste premier de l’homme serait donc d’essayer de plaire à Dieu et pour cela l’Eglise l’encourage et lui donne la marche à suivre. Pour Luther cette attitude a conduit tout droit aux excès des indulgences où le pouvoir institutionnel se met à la place de Dieu. Ce rapport de l’homme à Dieu, Luther l’inverse et affirme que d’abord il y a la promesse de Dieu de notre salut, tout le reste, dont l’Eglise, vient ensuite et découle de ce don premier. C’est pourquoi le protestant vit d’abord de ce don de la grâce.
Brice Deymié