“Aux confins de la prière”. Une méditation du psaume 109
Un gros souci de lecture (v.6)
Qui peut prier un psaume pareil ? Tout le monde ou personne ! Tout dépend du choix de lecture du verset 6 .
Nous sommes en présence d’un psaume d’imprécation (ces prières qui réclament la vengeance des ennemis). Un homme est accusé à tort. Ses propres amis sont devenus ses accusateurs : « Pour prix de mon amitié, ils m’ont accusé ! » (v.4).
Avec le verset 6 et jusqu’au verset 19, s’opère un changement déroutant pour la lecture : on passe sans explication du pluriel au singulier. Qui parle ? De qui ? Deux solutions :
- Ce sont maintenant les ennemis du fidèle qui prennent la parole et l’accusent (BFC, NBS, Parole de vie). On identifiera alors facilement le fidèle à la figure du serviteur souffrant injustement (la passion du Christ). On peut alors facilement s’identifier au psalmiste en souffrance.
- C’est toujours le fidèle qui parle (cf. v.20) dressant un réquisitoire contre “l’accusation” (singulier générique) ; C’est ce choix de lecture que nous faisons en suivant la TOB. L’appropriation du psaume devient très difficile.
Qui peut en effet demander, même pour son pire ennemi, que ses enfants deviennent orphelins, que sa femme soit veuve et ses fils perdus ? (v. 6-15).
Le psalmiste est accablé. Il est abandonné de tous. Devant ce complot, soudain, il découvre une première bouée de sauvetage… La prière !
Des yeux pour pleurer et… la prière !
« Ils m’ont accusé et moi, je n’ai plus que la prière » (v.4 ; TOB). La prière est l’ultime refuge pour le croyant. Elle lui offre à tout instant la possibilité de ne jamais être seuls. Même au plus profond de la détresse, quand tous m’abandonneraient, j’ai la possibilité de parler à quelqu’un, de mettre des mots sur ma souffrance. Dire son innocence, son incompréhension à quelqu’un qui est là, qui est juste et qui écoute, n’est-ce pas d’un immense réconfort ?
Le nécessaire travail de parole
On nous envoie facilement chez le psychologue pour y réaliser un travail sur soi, un travail de parole. Mais nous oublions que nous avons un accès direct à Dieu dans la prière. Le travail de parole, c’est d’abord la prière !
Dans la prière, on peut tout dire à Dieu, même les pires sentiments qui nous habitent. On peut lui dire notre désir de vengeance, notre révolte contre l’injustice, notre envie de tuer !! Dans ce psaume 109, à partir du verset 6 et jusqu’au verset 20, le fidèle déverse toute sa rancœur contre ces proches qui l’ont trahi, accusé à tort. S’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jean 15.13), il n’y a pas de plus grande souffrance que d’être trahi par les siens. Sans retenue, ni autocensure, le psalmiste se lâche : “Que la malédiction le couvre comme un habit ; qu’elle soit toujours sur lui comme une ceinture” (v.19).
Qui pointe le doigt ?
Au verset 6, le psalmiste convoque à la barre un accusateur et le fait asseoir à la droite de ses adversaires (singulier générique). Jusqu’au verset 19, il mène contre eux une âpre contre-attaque. Qui est cet accusateur ? Le mot hébreu employé ici est le mot satan. Le fidèle demande donc l’aide d’un satan pour en finir avec ses adversaires !
C’est horrible ! Nous ne pouvons pas prier de cette façon. Regardons plutôt à Jésus-Christ ! Nous y découvrons un autre rapport à l’ennemi. Lui aussi a été injustement accusé, injustement jugé et abandonné de tous. Mais il n’a jamais prié contre ses ennemis ; au contraire, il a prié pour eux. Jésus sur la croix a retourné la malédiction qui s’abattait sur lui en bénédiction pour ses accusateurs, ses bourreaux.
Prendre de la distance
En tant que chrétiens, nous ne pouvons donc pas prier que ce chapelet de malédictions s’abatte sur nos adversaires. N’est-il pas écrit dans l’épître aux Romains : « Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère ; car il est écrit : À moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur. » (Rom 12.19). Nous n’avons pas à espérer la colère de Dieu pour les autres, encore moins à la demander ou à s’en faire l’agent. Entendons qu’il s’agit seulement de « laisser faire » (littéralement « donne du champ à la colère », ce qui signifie : distancie-toi de… Le jugement est donc l’affaire de quelqu’un d’autre. C’est dans cet abandon à la confiance en Dieu que se trouve la juste posture du croyant.
A droite toute !
Regardez au verset 31 ! Avez-vous remarqué qui se tient à la droite du pauvre ? Ce n’est plus le satan, c’est le Seigneur ! Il est là non pour accabler mais pour secourir. quel contraste entre la droite du verset 6 et celle du v.31 !
En Jésus-Christ, l’accusation cède sa place à la défense. À notre droite se tient le Seigneur intercédant auprès du Père pour nous : “Seigneur pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font”
À l’écoute de cette prière le satan-accusateur disparaît de nos vies. Et nous devenons à notre tour des femmes et des hommes de prière, nous tenant à la droite des hommes, intercédant auprès de Celui qui se tient à la droite de Dieu pour la paix et la justice, pour la bénédiction de nos ennemis.