« Dieu, Allah et Cyrus le Grand» : la Bible, le Coran et nous…

« Il est grand, le Seigneur, hautement loué, redoutable au-dessus de tous les dieux… » (Psaume 95.3)

“Proclame sa grandeur !” (le Coran, Sourate 111.17)

« Ainsi parle le Seigneur à son messie, à Cyrus, qu’il a pris par la main pour lui soumettre les nations et désarmer les rois, pour lui ouvrir les portes à deux battants, car aucune porte ne restera fermée : À cause de mon serviteur Jacob, d’Israël mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai donné un titre, alors que tu ne me connaissais pas. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre : hors moi, pas de Dieu. Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. » (Es 45, 1.4-6)

« Sache donc, qu’en vérité, il n’y a point de divinité à part Allah » (Sourate 47,19 – Muhammad)


Une méditation tirée cette fois d’un article que j’ai publié fin octobre dans l’hebdomadaire catholique “Témoignage chrétien”.

Bible et Coran même combat (sanglant) ?

Il existe d’étranges ressemblances sémantiques entre la Bible et le Coran. En islam, l’appel à la prière (qui n’est pas coranique) débute par « Allahou akbar », ce qui signifie “Dieu est le plus grand” et invite les fidèles à confesser qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu (lâ ilaha illa lâh[1]). Les versets de la Bible et du Coran ont été cités plus haut par ordre de ressemblance Le “proclame sa grandeur” du Coran ressemble en effet comme un frère au « El gadol Yahvé !» (Le Seigneur est un grand Dieu !) du Psaume 95.3 et la Sourate 47 au « Je suis le Seigneur et il n’y en a pas d’autre » d’Esaïe 45.6. On dit que les mêmes mots de la Bible et du Coran ne recouvrent pas exactement les mêmes réalités. Mais est-ce si sûr ici ?

Monseigneur Georges Khoder, figure orthodoxe libanaise du dialogue islamo-chrétien au Proche-Orient, explique que cette formule comparative Allahou akbar est un vestige du combat que le prophète Muhammad mena contre le culte des idoles à la Mecque pour faire triompher le monothéisme. La ka’aba[2], avec sa pierre noire, panthéon des croyances préislamiques contenait une foule d’idoles dont celle d’Allah, finalement reconnu comme l’unique et le plus grand de tous les dieux (l’effigie de Marie fut conservée dans un premier temps avant d’être également détruite).

Victoire du monothéisme, qui à l’image du culte de Yahvé, le Dieu d’Israël, s’imposa dans la guerre et le sang (cf. Elie et les prophètes de Baal en 1 Roi 18). Muhammad Elie, même combat ?

Est-il fatal que l’affirmation historique de l’exclusivité de Dieu, en Israël ou dans la Péninsule arabique fasse autant de morts ? Le monothéisme est-il violent par nature ?

Cyrus le Grand : grand comment ?

L’appel adressé en Esaïe 45 par Yahvé au roi Perse Cyrus le Grand, dit symboliquement autre chose du monothéisme. Premièrement, Cyrus n’est pas un homme d’Israël. C’est un Babylonien, un impur. Un homme non éligible à l’onction divine mais que le Dieu de Jacob prend néanmoins par la main. Dieu n’appelle pas un zélé d’Israël à rebâtir le temple de Jérusalem mais un ignorant doublé d’un païen. Cyrus n’est pas catéchisé par les prêtres juifs détenteurs du savoir religieux monothéiste, mais par Dieu lui-même : « Je te donnerai les trésors déposés dans les ténèbres, les richesses dissimulées dans les cachettes et tu sauras que c’est moi le Seigneur. Je t’ai appelé par ton nom. » (45.3).

Sa domination sur les nations est marquée par deux événements rapportés ici : les armes tombent et les portes des villes s’ouvrent (45.1). Inspiré par la parole et par l’Esprit du Dieu UN, Cyrus est grand ! Il déploie un règne sans violence. Après son passage, les portes restent ouvertes. Le Dieu UN est bien celui qui façonne au plus profond des cœurs une vision de l’unité fraternelle, attachant tous les hommes à une histoire et un destin communs. C’est en cela qu’il est grand. Une unité qui sait nommer et mettre en œuvre cet essentiel commun que les Évangiles reconnaîtront en Jésus, le Christ. En lui, Dieu est grand ! Ou pour reprendre la formule paradoxale et un peu galvaudée : en Lui, le Très-haut s’est fait le Très-bas.

Cyrus est un messie qui, au-delà de son histoire particulière [3], annonce un règne de paix fondé sur un monothéisme de tolérance ouvrant les portes sans les forcer,  appelant, incluant sans contrainte, aimant sans exigence. Pas plus que le judaïsme et l’islam, le christianisme historique n’a su se montrer à la hauteur de l’appel reçu.

Mais la parole  nous l’adresse à nouveau. Qu’en ferons-nous ?

 

[1] La première partie de confession de foi musulmane, dite la shahada, : « Il n’y pas d’autre Dieu que Dieu » n’est pas plus inscrite dans le Coran que notre Credo dans la Bible.

[2] Vestige des cultes idolâtres de la Mecque autour duquel aujourd’hui tournent les fidèles en pèlerinage.

[3] La figure de Cyrus le Grand est évidemment utilisée comme une typologie messianique. L’histoire montre qu’il n’a pas seulement fondé son empire sur la tolérance.

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