“L’unité, clé de la vitalité de l’Eglise et de l’évangélisation du monde”
Nous venons de traverser une fois de plus la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Au plus triste de l’hiver, il faut reconnaître que ça réchauffe un peu ! Ces rencontres de l’unité, rendez-vous des parpaillots soixante-huitards et des cathos génération Vatican 2 grisonnants, prennent au Liban une dimension assez extraordinaire. La jeunesse n’y est pas davantage représentée mais le jeu des combinaisons confessionnelles est infiniment plus complexe : Eglise maronite, grecs orthodoxes, grecs catholiques, Eglises syriaques orthodoxes ou catholiques, arméniens orthodoxes, évangéliques et catholiques, Eglise chaldéenne… Si vous pensez avoir compris le Liban, c’est qu’on vous a mal expliqué ! On a souvent relégué l’unité chrétienne à une question optionnelle ; on n’a pas le temps, on envoie des représentants… Pourtant, la parole du Christ ne fait pas question : l’unité est non seulement au centre de la vocation chrétienne mais d’elle dépend le plan d’évangélisation du monde. Une source de vitalité quelque peu méconnue et pourtant essentielle !
Jean 17,20-23 (NBS)
“20 Ce n’est pas seulement pour ceux-ci que je demande, mais encore pour ceux qui, par leur parole, mettront leur foi en moi, 21 afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, pour que le monde croie que c’est toi qui m’as envoyé. 22 Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous, nous sommes un, 23— moi en eux et toi en moi — pour qu’ils soient accomplis dans l’unité et que le monde sache que c’est toi qui m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.”
Vivifiante unité !L’unité est une question théologique majeure qui touche à l’âme même de notre vie chrétienne. Nous sommes voués à l’unité. Peut-on imaginer un chrétien allant seul son chemin de foi, écrivant sa propre confession de foi, créant ses propres outils d’interprétation de la Bible ? Marcher avec Christ, n’est-ce pas plutôt rencontrer sur la route une foule de sœurs et de frères, allant à des rythmes différents; certains semblant prendre des chemins de traverse. Rencontrer, n’est-ce pas apprendre à penser sa foi autrement que dans l’entre-soi et apprendre à prier entre frères, un même Père : « Quand vous priez, dites : notre Père » (et non « Mon père » Mat 6.6). Vivre l’unité, c’est ainsi retrouver le sens de sa vocation chrétienne. De même, peut-on imaginer une Eglise qui prétendrait contenir à elle seule toute la vérité de Dieu ? Elle aussi aurait besoin d’aller à la rencontre des autres Eglises et de cheminer avec elles pour découvrir ce qui lui manque, apporter ce qu’elle possède, tout en se laissant interpeller. S’exposer à la rencontre, c’est courir le risque de changer un peu, beaucoup. Jésus nous prévient : “Si vous ne vous convertissez, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu” (Mat 18.3). Les Eglises chrétiennes dans leurs différentes traditions possèdent un ou plusieurs éléments du grand puzzle de la foi : la vérité a donc besoin de l’unité pour se construire, se donner consistance et clarté. Chacun apporte ce dont il dispose et peu à peu, le brouillard se dissipe, on perçoit mieux ce que Dieu veut dire à son Eglise. Les protestants au 16e siècle ont apporté une pièce manquante, majeure : celle de la « justification par la foi » ; mais ils n’ont pas pour autant rejeté les autres pièces du puzzle, comme celle de la de la trinité. |
Le modèle divinMais avant d’être vocation vitalisante, l’unité est d’abord un attribut divin. Elle se trouve dans l’Etre même de Dieu : Dieu comme Etre unique, mais non solitaire. Comment Dieu serait-il capable d’aimer s’il ne faisait au sein de sa propre substance divine l’expérience de l’altérité ? Il y a en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, un partage d’amour. Le Père aime le Fils et le Fils aime le Père ; l’Esprit éveille en nous ce même désir d’aimer qui existe en Dieu. « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un ; moi en eux, et toi en moi, -afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17.22-23). Au commencement, il y a l’union du Père et du Fils. Une union qui ne signifie pas fusion. Le Père reste le Père et le Fils reste Fils, mais les deux sont en parfaite communion : il y a en eux, entre eux un désir permanent, éternel, de partage : partage d’amour, de vision et d’action. |