“Jésus l’extra-terrestre”
Marie dort. Joseph, blotti dans un coin, regarde la créature emmaillotée dans la mangeoire dont, quelques heures auparavant, il n’a pas osé assister à la naissance.
Que sera cet enfant ? Il a été conçu par l’Esprit de Dieu, entité non humaine. S’il en croit l’ange, c’est le Sauveur du monde qui dort dans la paille sous ses yeux. De quels pouvoirs est-il doté ? Combien de bras a-t-il ? Respire-t-il par des bronches? Son sang est-il acide ? Communique-t-il par des sons ? Il remue, il pleure… Le bébé possède donc un appareil respiratoire comme celui des humains et il doit bien métaboliser l’air de la planète. Joseph n’est qu’en partie soulagé. De quoi se nourrira-t-il ? Bethléem ne dispose sûrement pas de denrées rares, difficile de proposer à l’enfant autre chose que des hydrates de carbone ou des polypeptides, tout au plus. S’il est celui dont parle Esaïe, de la crème et du miel feront l’affaire.
Marie dort. Que faire ? Il décide d’ouvrir un peu la couverture, non sans précaution. A quoi s’exposera Joseph en le regardant dans les yeux ? Sera-t-il fulguré, subjugué, anéanti ? Une créature … tout à fait humaine. Certes, Joseph peine à retrouver, dans ce visage candide qui lui sourit, ses propres traits. Certes, cet enfant grandira, défera les lois de la nature,fera s’ébranler la fatalité de la condition humaine, son règne ne sera pas de ce monde.
Mais pour l’heure, les pupilles du nourrisson se dilatent et errent dans les ombres comme tous les bébés de cette planète. L’humanité de cet extraterrestre s’éveille. Il ouvre sa bouche, baille, puis s’endort.
Diego Moreno (article paru dans Le Riou, journal de l’EEL de Cannes)