“Au delà de la détresse…” (Marc 13.24-37)

 

Marc 13, 24-27

24 « Mais en ces jours-là, après cette détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne brillera plus, 25 les étoiles se mettront à tomber du ciel et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. 26 Alors on verra le Fils de l’homme venir, entouré de nuées, dans la plénitude de la puissance et dans la gloire. 27 Alors il enverra les anges et, des quatre vents, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel, il rassemblera ses élus.

« Après les jours de détresse », dit Jésus. Un jour comme aujourd’hui… (hier 15.11.2015)

Au lendemain des attentats de Bourj el Brajneh et de Paris, le ciel s’est obscurci sur la France et le Liban. La « détresse » est passée, déversant son torrent de sang et de larmes, emportant tout sur son passage, affectant notre lucidité, attisant la colère, nous submergeant de tristesse et d’angoisse. La détresse est ainsi, totalitaire, ne laissant pas la moindre place aux autres sentiments.

Je vous invite ce matin à nous laisser déplacer par la parole du Christ. Il parle de ce qui vient « après la détresse ». nous invitant  à porter nos regards plus loin.

La première chose qui est annoncée : c’est la venue d’un jour de grand ébranlement. L’ébranlement de l’univers tout entier, sur ses bases. Il n’est pas question ici des crises comme celle du climat, de l’économie mondiale, ni même de l’hégémonie meurtrière d’un Etat islamique. Jésus parle d’un ébranlement universel dont l’homme ne sera pas la cause.

Viennent les temps où ce qui est hors de portée de tout ébranlement sera ébranlé. Où le défilement même des jours et des années ne sera plus assuré, puisque même les astres qui président au jour et à la nuit ne donneront plus leur clarté, ce sera la fin du rythme du temps et de l’ordonnancement du monde.

Ce jour vient, dit Jésus, et il interroge vigoureusement cette confiance aveugle et servile que nous plaçons dans ce qui a l’apparence de la solidité, dans ces espérances trompeuses auxquelles nous nous rallions, la banque, l’économie, la politique. N’oublions pas que Jésus prononce ces paroles apocalyptiques devant le temple de Jérusalem (arc 13.1-2), symbole de stabilité et de force. Le grand ébranlement universel interroge donc  les repères les plus solides. Même les hautes valeurs que sont la famille et la religion ne seront pas épargnées. Que restera-t-il de tout cela ?

Au grand ébranlement de l’univers s’ajoute un second phénomène, celui du grand rassemblement : « 27 Alors il enverra les anges et, des quatre vents, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel, il rassemblera ses élus. »

La fin du vieux monde ne débouche pas ici sur le jugement, l’accusation, la rétribution, mais sur le grand rassemblement. Celui de tous “les élus” ; c’est à dire, de celles et ceux en qui Dieu a confiance, sans que ne soit indiquée la raison et les critères de cette confiance. Ces critères d’élection sont les siens et j’ai confiance qu’ils sont plus larges et plus généreux que les nôtres !

Hier, un reportage montrait un membre de Daech fait prisonnier par l’armée irakiennes. Il s’est repenti pour les centaines de vies qu’il a emporté dans sa folie meurtrière. Il sait que cette repentance ne changera rien à l’issue : la peine de mort pour lui est inéluctable. Du moins implore-t-il maintenant le pardon de Dieu et de sa famille… Sera-t-il parmi ces élus du Seigneur ? Sans aucun doute à mes yeux, comme le brigand sur la croix.

Revenons au texte… Ce lendemain de détresse débouchera donc sur un élargissement de nos visions. Que verra-t-on ? Le fils de l’homme enfin! J’aime cette expression “Fils de l’homme”. Nous serons en présence de celui qui porte en lui l’humanité véritable, l’humanité selon le cœur de Dieu. Le dernier jour, chez Marc, ne va pas révéler la divinité brûlante, la sainteté aveuglante, mais d’humanité filiale, celle précisément que nous avons tous reçue en cadeau et que nous avons perdue en chemin. Le Fils de l’homme vient nous réconcilier avec notre humanité perdue. La détresse débouche donc sur cette rencontre, cet élection-vocation au rassemblement, cette réconciliation inouïe. C’est ce que dit la parabole du figuier…

Marc 13.28-32

28 « Comprenez cette comparaison empruntée au figuier : dès que ses rameaux deviennent tendres et que poussent ses feuilles, vous reconnaissez que l’été est proche. 29 De même, vous aussi, quand vous verrez cela arriver, sachez que le Fils de l’homme est proche, qu’il est à vos portes. 30 En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive. 31 Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. 32 Mais ce jour ou cette heure, nul ne les connaît, ni les anges du ciel, ni le Fils, personne sinon le Père.

“Tout passe”, sauf la parole du Seigneur Jésus-Christ ! Quand tout ce à quoi nous tenons aura disparu, la seule chose à laquelle nous pourrons nous cramponner, l’unique certitude à laquelle nous pourrons nous accrocher, c’est la plus fragile et la plus immatérielle des choses qui soit : une parole ! Le Règne qui vient à l’allure du dérisoire.

Mais où donc d’après vous, Jésus a-t-il puisé la force d’aller au bout de son chemin de souffrance, alors qu’il est seul abandonné de tous dans ce sombre jardin « du pressoir à huile » (Gethsémané), livré à la détresse d’une nuit sans lune et sans étoiles, que même la voix de Dieu s’est faite silence… A-t-il repassé dans son cœur la parole reçue au Jourdain le jour de son baptême : « Tu es mon fils bien aimé en qui j’ai mis toute mon affection » ? Il puisera dans la parole de Dieu, la force de traverser la mort elle-même ! Nous entendons ce matin que la détresse ne débouche pas sur la mort, frères et sœurs, mais sur une vie traversée d’espérance. Ce n’est pas l’hiver que Jésus annonce en regardant le figuier, mais l’été avec ses promesses de paix et d’abondance.

Frères et sœurs, que les détresses du présent et leurs épaisses ténèbres n’occultent pas pour nous l’espérance du monde qui vient ! C’est pour cela que Jésus nous appelle maintenant à la vigilance…

Marc 13.33-37

33« Prenez garde, restez éveillés, car vous ne savez pas quand ce sera le moment. 34C’est comme un homme qui part en voyage : il a laissé sa maison, confié à ses serviteurs l’autorité, à chacun sa tâche, et il a donné au portier l’ordre de veiller. 35Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison va venir, le soir ou au milieu de la nuit, au chant du coq ou le matin, 36de peur qu’il n’arrive à l’improviste et ne vous trouve en train de dormir. 37Ce que je vous dis, je le dis à tous : veillez. »

Puisque nous ne connaissons ni le jour, ni l’heure du grand renversement de l’univers, Jésus nous invite à adopter une attitude précise. L’attente vigilante, c’est à cela qu’on reconnaît le chrétien. Une vie à la fois tendue vers le jour qui vient et engagée dans le monde présent.

C’est l’inquiétude du gardien qui souhaite faire bon accueil au maître à son retour et qui la nuit durant reste éveillé ; il ne fait pas que boire du café en restant assis et somnolent sur une chaise, (comme les gardiens d’immeubles au Liban). Il prend soin de la maison, entretient la voiture, s’occupe du jardin.

C’est encore l’inquiétude de la fiancée amoureuse dans le Cantique des Cantiques qui guette son amoureux et s’impatiente : quand une femme se prépare à être belle, ça prend du temps et du soin ! La détresse, l’inquiétude et la longue attente ne doivent pas tuer en nous l’espérance chrétienne et l’action au service de ce monde en souffrance. engageons-nous contre la violence !

Ce qui s’est passé à Bourj el Barajneh (banlieue sud de Beyrouth)  et à Paris cette semaine ne peut nous faire perdre de vue l’espérance du monde qui vient. Les terroristes peuvent prendre toutes les vies qu’ils veulent, ils ne peuvent détruire l’espérance qui vient de la foi. Malgré ce qu’ils prétendent, ils n’ont aucune prise et aucune part sur le monde qui vient. « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, dit Jésus et qui, après cela, ne peuvent rien faire de plus. » La détresse n’aura pas le dernier mot. Le Jour du Fils de l’homme approche ! Amen !

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