Ô Seigneur ta fidélité (Méditation du Psaume 36)
Psaume 36 (NBS)
1 Du chef de chœur. Du serviteur du SEIGNEUR. De David.
2 Pour le méchant, la déclaration de transgression est au fond de mon cœur, aucune frayeur de Dieu devant ses yeux.
3 Car il se regarde avec complaisance, pour consommer sa faute, pour assouvir sa haine.
4 Les paroles de sa bouche sont malfaisance et tromperie ; il renonce au bon sens, au bien.
5 Il prépare des plans malfaisants sur son lit, il se tient sur une voie qui n’est pas bonne, il ne rejette pas le mal.
6 SEIGNEUR, ta fidélité est dans le ciel, ta constance va jusqu’aux nues.
7 Ta justice est comme les montagnes de Dieu, tes jugements comme le grand abîme. SEIGNEUR, tu sauves les humains et les bêtes.
8 Combien précieuse est ta fidélité, ô Dieu ! A l’ombre de tes ailes les humains trouvent un abri.
9 Ils se rassasient de l’abondance de ta maison, et tu les fais boire au torrent de tes délices.
10 Car auprès de toi est la source de la vie ; par ta lumière nous voyons la lumière.
11 Conserve ta fidélité à ceux qui te connaissent, et ta justice à ceux qui ont le cœur droit !
12 Que les pieds de l’orgueilleux ne viennent pas jusqu’à moi, et que les mains des méchants ne me fassent pas fuir !
13 C’est là que tombent les malfaisants ; ils sont renversés et ne peuvent pas se relever.
Si jamais de la Bible on a pu dire que l’on n’entendait plus que la musique – sans guère prêter attention aux paroles, pour moi, sans conteste, avec ce psaume 36, le risque est majeur ! A Orthez, le Pic du Midi d’Ossau donnait une mesure majestueuse des cimes de la fidélité de Dieu ; à Cannes, en direction du Mont Bégo, je l’ai fredonné dans la vallée des Merveilles ; dans les Cévennes, sur les drailles de mes ancêtres huguenots, son refrain m’a bercé. Aujourd’hui, au Liban, je ne me suis jamais senti aussi physiquement près des cimes du Seigneur, comme de tous les problèmes du monde d’ailleurs. Lors d’une visite au sud Liban, à quelques centaines de mètres de la frontière israélienne, entre plateau du Golan et Mont Hermon, la musique soudain s’échappait, il ne restait plus que la parole stridente, dérangeante…
Où est le juste, où est l’infidèle ?
Ce psaume est composé de deux strophes : de l’infidélité des impies (2-5) et de la fidélité de Dieu (6-12). Evidemment au nombre des impies, l’auteur du psaume ne se compte pas. Il subit leur présence (v.11). L’impie, le méchant, c’est toujours l’autre. Lorsque mon compagnon shiite m’explique que Khyam, son village du sud Liban a été détruit cinq fois par les Israéliens, l’impie prend soudain un visage inattendu : « Que l’orgueilleux ne mette plus les pieds chez moi, que la main des impies ne m’expulse pas ». (v.12). Selon le côté de la frontière où l’on se trouve le statut d’impie ou de fidèle est à géopolitique variable ! L’intelligence du bien agir (notamment en termes de défense du territoire) pour l’un, devient méfait et tromperie pour l’autre (v.4). Ce que ni l’un ni l’autre ne mesure vraiment, c’est que mal agir envers les autres (même avec les meilleures intentions du monde), c’est d’abord se faire du tort à soi-même. Commentant ce psaume, Alphonse Maillot écrivait : « Le mal est une sorte de microbe dont on ne peut se servir sans le contracter… ».
La justice de Dieu dépasse toute cime (Hermon compris) !
Il n’existe qu’une façon de sortir de ces guerres fratricides : considérer les dimensions de la justice de Dieu et apprendre à se situer par rapport à elles.
Premièrement, la justice de Dieu est plus grande que l’image que je m’en suis fabriqué (et qui ressemble étrangement à mes intérêts immédiats). Cette justice-fidélité-loyauté, cet amour, s’élève jusqu’au ciel (v.6). Autrement dit, de là où je me trouve, je ne peux pas juger avec justesse. Ma vue est trop basse, trop immédiate.
Deuxièmement, le jugement de Dieu est plus profond que le plus grand abîme (v.7). Cette fois, mon regard manque de profondeur. Ma promptitude à diaboliser l’autre se heurte ici à un obstacle de taille : le jugement de Dieu remplit déjà le grand Abîme. Pris de vertige entre ciel et profondeur, du haut de ma taupinière (pardon pour l’Hermon !), il ne me reste qu’à déposer les armes et m’en remettre à Celui qui sauve hommes et bêtes (v.7b).
L’eau et la lumière
Le jugement de Dieu, c’est le salut ! (v.8-10). « La source de vie est en toi, par ta lumière, nous voyons la lumière » (v.10). On vient de passer du registre des intérêts comptables, mesquins et revanchards à celui de la vie sans limite. Quel contraste ! Il faut venir se promener dans ces vallées levantines pour appréhender l’importance vitale de l’eau. L’occidental moyen qui se lave les dents en laissant couler le robinet d’eau potable ne peut pas mesurer tout l’effet de la métaphore. Ici plus encore qu’ailleurs, l’eau donne la vie. S’associant à la lumière, elle fait des miracles, produit des jardins à faire pâlir de jalousie le voisin… (et c’est reparti ! !)
Cette eau associée à la lumière est une image de la présence de Dieu. Loin d’être épouvantable, elle rend vivant et heureux – comme dans le Psaume 4 : « Fais lever sur nous la lumière de ta face, SEIGNEUR! Tu m’as mis plus de joie au cœur qu’au temps où abondaient leur blé et leur vin. » (v.7).
Cette présence, cette face de Dieu, source de vie et lumière du monde, se tient secrètement en Christ à nos côtés, nous invitant chaque jour à la confiance. Le jour viendra où les hommes quitteront leurs postes frontières pour cultiver ensemble dans la paix un même jardin d’abondance.