“Let my people go !” (méditation d’Exode 7.26)
422 « Tu diras au Pharaon : Ainsi parle le SEIGNEUR : Mon fils premier-né, c’est Israël ; 23je te dis : Laisse partir mon fils pour qu’il me serve – et tu refuses de le laisser partir ! Eh bien, je vais tuer ton fils premier-né. »
51 « Ensuite, Moïse et Aaron vinrent dire au Pharaon : « Ainsi parle le SEIGNEUR, Dieu d’Israël : Laisse partir mon peuple et qu’il fasse au désert un pèlerinage en mon honneur. »
62Dieu adressa la parole à Moïse. Il lui dit : « C’est moi le SEIGNEUR. 3Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu Shaddaï, mais sous mon nom, “le SEIGNEUR”, je ne me suis pas fait connaître d’eux. 4Puis j’ai établi mon alliance avec eux, pour leur donner le pays de Canaan, pays de leurs migrations, où ils étaient des émigrés. 5Enfin, j’ai entendu la plainte des fils d’Israël, asservis par les Egyptiens, et je me suis souvenu de mon alliance. 6C’est pourquoi, dis aux fils d’Israël : C’est moi le SEIGNEUR.
726Le SEIGNEUR dit à Moïse : « Entre chez le Pharaon et dis-lui : Ainsi parle le SEIGNEUR : Laisse partir mon peuple pour qu’il me serve. 27Si tu refuses toujours de le laisser partir, je vais frapper tout ton territoire du fléau des grenouilles.
84 « Le Pharaon appela Moïse et Aaron et dit : « Priez le SEIGNEUR d’éloigner les grenouilles de moi et de mon peuple, et je laisserai partir le peuple pour qu’il sacrifie au SEIGNEUR. »
816 Ainsi parle le SEIGNEUR : Laisse partir mon peuple pour qu’il me serve.
Le passage du jour se trouve placé au début d’un cycle interminable de négociations entre Moïse et Pharaon sur le thème « Partira ? Partira pas ?» (chap. 4 à 13). Au bout des dix catastrophes (et du rouleau), Pharaon jette l’éponge dans le Nil et finit par implorer Moïse de déguerpir avec tous les Hébreux hors de son pays. Nous aurions pu nous interroger sur ce concours de prestidigitateurs égyptiens et hébreux, sur ces invasions de bestioles ou à propos du génocide des petits garçons égyptien. Mais c’est la parole fondatrice de l’exode de Dieu à Moïse et Pharaon, « laisse partir mon peuple pour qu’il me serve » qui a attiré mon regard. Elle est le fil rouge de tout cet ensemble (4.22 ; 6.10 ; 7.16, 26 ; 8.16 ; 9.1 ; 10.3). Elle est reformulée par Moïse puis Pharaon presque à l’identique. Presque…
Dieu a-t-il réellement dit ?
Pourquoi Moïse, quand il se présente devant Pharaon, ne s’en tient-il pas à la demande originale du Seigneur ? Dieu a-t-il réellement dit : « Laisse partir mon peuple pour qu’il me serve ?», ou a-t-il dit : « Laisse partir mon peuple et qu’il fasse un pèlerinage au désert en mon honneur » (5.1) Ce n’est pas exactement la même demande. Moïse y ajoute le petit plus qui devrait aider à faire passer la pilule : le coup du pèlerinage, le petit mensonge censé mettre de l’huile dans les rouages de la procédure !
Dans ce dialogue de malins, où traduire est définitivement trahir, Pharaon reformule à son tour la demande deuxième-main de Moïse: « Priez le Seigneur d’éloigner les grenouilles et je laisserai partir le peuple pour qu’il sacrifie au Seigneur (8.4). Dans sa conception polythéisme, le festival religieux sera nécessairement accompagné de sacrifices. Du reste, Moïse et Aaron accréditeront cette valeur du sacrifice ajoutée à celle du pèlerinage (8.23) – sans se douter que Pharaon, à son insu, se fait prophète de Dieu, annonçant la scène du veau d’or.
Dieu a-t-il réellement dit ? C’est la voix du vieux serpent d’Eden, maître ès falsification, que j’entends ici évoquer sacrifices et pèlerinages, pas celle de Dieu.
Servir, ça sert à quoi ?
Personne ne s’en tient à la demande originale – partir pour servir, parce que personne ne sait au juste où cela conduit. Les processions, les sacrifices, les litanies, depuis que l’homme est homme, on sait ce que cela signifie : on gesticule, on baratine, espérant capter la faveur du ciel. L’acte religieux, c’est ce que l’homme croit devoir au Dieu El-Shaddaï (Dieu-tout puissant) sans saisir que Dieu veut être servi comme Seigneur-YHWH (6.2-6), le Dieu proche qui se révèle et se donne dans l’alliance. On préfère les vieilles certitudes communes et sécurisantes à l’inconnu d’un service nouveau.
Les prophètes de la Bible martèleront : « Si tu avais voulu des sacrifices, je t’en aurais offert; mais tu ne prends point plaisir aux holocaustes » (Ps 51) et « Que me fait la multitude de vos sacrifices ? » (Es 1.11) ; Jésus mettra en garde : « Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux (Mat 7.21).
Le service de Dieu, ce n’est pas le culte, prêchera l’apôtre Paul aux grecs d’Athènes : Le Dieu qui a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve, lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas des temples construits par la main des hommes ; il n’est point servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses. (Actes 17.24-25)
Tous au désert !
Dieu veut conduire l’humanité au désert pour lui faire découvrir que l’El Shaddaï des Pères est le Dieu du salut, le Seigneur qui révèle son nom (Ex 6.2 : « C’est moi le Seigneur-YHWH »). Donner son nom, c’est se donner soi-même, pour rien, par désir de rencontre avec celui qui est là.
C’est ainsi que « le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Marc 10.45), pour Moïse comme pour Pharaon !
Servir Dieu, c’est ainsi apprendre à aimer en laissant derrière soi ce fol espoir d’obtenir quelque chose en retour. Servir, c’est apprendre à se laisser servir. Et ce genre de bénédiction ne se découvre qu’en traversant le désert à pied.